
« La Commission sera très politique » avait annoncé Jean-Claude Juncker lors de son discours devant le Parlement européen le 15 juillet dernier. Pari tenu ? Après deux mois de travail et de négociations, il a présenté le 10 septembre une nouvelle architecture de la Commission européenne et une manière de fonctionner en rupture qui doivent permettre un travail d’équipe plus collaboratif et des orientations politiques mieux définies. Les changements et orientations impulsés par Jean-Claude Juncker permettront-ils aux citoyens de retrouver foi et confiance dans les institutions et le projet européens ?
Faire mieux, faire moins
Bureaucratique, cloisonnée, inefficace, déconnectée… Les qualificatifs n’ont pas manqué pour décrire le fonctionnement de la Commission à l’ère Barroso. Fort de la légitimité démocratique que lui confère le nouveau processus de désignation du Président de la Commission, Jean-Claude Juncker s’est déjà démarqué de son prédécesseur en proposant une structure visant à refléter des orientations politiques claires et à délivrer des résultats en phase avec les attentes des citoyens. Il avait exposé ses priorités lors de son discours au Parlement européen en juillet : une économie performante, des emplois durables, une meilleure protection sociale, des frontières plus sûres, etc. La forme suit le fond : la structure proposée est calquée sur ces orientations politiques. Sept vice-présidents auront la responsabilité de coordonner des équipes de Commissaires. Jean-Claude Juncker souhaite ainsi réinsuffler un esprit de collégialité et de collaboration et mettre fin au cloisonnement entre les différents domaines d’action pour plus d’efficacité. La nouvelle structure a été globalement bien accueillie, par les partisans d’une organisation en clusters de la Commission notamment. Le bon fonctionnement du Collège Juncker et sa capacité à délivrer des résultats dépendra néanmoins de la qualité des relations et de la coopération entre les membres des équipes de projet et de la capacité des vice-présidents à imprimer leur leadership alors même qu’ils ne disposeront pas d’une administration propre.
Le nouveau Président de la Commission l’a répété : il veut « une Union européenne plus grande et plus ambitieuse pour les grands enjeux, plus petite et plus modeste pour les petits dossiers ». C’est la raison pour laquelle les vice-présidents assureront un rôle de filtre stratégique des initiatives proposées par les membres de leurs équipes de projets. Toute proposition devra être argumentée et avalisée par un vice-président avant d’être inscrite à l’ordre du jour du Collège. Le premier vice-président et « bras droit » de Jean-Claude Juncker, Frans Timmermans, aura un droit de veto sur toutes les initiatives et sera spécifiquement chargé de veiller à l’amélioration de la règlementation afin que l’action de la Commission soit la plus efficace possible. Il devra également assurer le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité pour que l’Union n’intervienne que dans les domaines où elle peut réellement faire une différence. L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit de montrer aux citoyens que l’UE n’est pas une machine bureaucratique productrice de normes contraignantes mais qu’elle est bien capable de résoudre les problèmes affectant les Européens.
Une Commission politisée prête à défendre son action
Souhaitant que « la Commission ne [soit] pas un comité technique composé de haut-fonctionnaires brillants aux ordres d’une autre institution », Jean-Claude Juncker a présenté une équipe expérimentée et, compte tenu des résultats des élections européennes, penchant vers la droite de l’échiquier politique (15 Commissaires contre 8 pour les socialistes & démocrates et 5 pour les libéraux). Elle comprend ainsi cinq anciens premiers ministres, quatre anciens vice-premiers ministres et dix-neuf anciens ministres. L’objectif est clairement que les Commissaires incarnent des orientations politiques définies. La difficulté potentielle réside une fois encore dans la qualité des relations entre les différents Commissaires et dans la gestion de personnalités ayant exercé de hautes fonctions dans leurs Etats respectifs.
Afin d’éviter que ses Commissaires ne deviennent des technocrates renfermés sur Bruxelles, Jean-Claude Juncker leur a demandé de faire preuve de pédagogie et de proximité vis-à-vis des citoyens. Ils sont donc appelés à se rendre régulièrement dans les Etats membres pour communiquer, sensibiliser les opinions publiques aux enjeux européens et expliquer leur action. Autre nouveauté qui vise également à politiser le nouveau Collège : le service (réduit) de communication de la Commission dépendra de la Présidence et les Commissaires devront se passer de porte-paroles. Assistés de quelques chargés de communication, ils devront répondre eux-mêmes aux questions des journalistes et s’expliquer sur leur projet. Cette nouvelle structure devrait permettre à la politique européenne d’être incarnée et aux citoyens de mettre des visages sur l’UE.
Jean-Claude Juncker a présenté une nouvelle structure ambitieuse et pleine de promesses. Le succès de la nouvelle Commission dépendra néanmoins de la capacité de ses membres à collaborer dans un esprit de collégialité retrouvé et surtout des résultats qu’elle apportera concrètement aux citoyens dans des domaines aussi importants que l’économie, l’immigration et la politique étrangère. Comme l’a déclaré le nouveau Président de la Commission « c’est notre dernière chance » !
Aller plus loin
Sur Nouvelle Europe
Sur internet
- Jean-Claude Juncker, Un nouvel élan pour l'Europe, Discours d'ouverture de la session plénière du Parlement européen, 15 juillet 2014
- Commission européenne, Communiqué de presse – La Commission Juncker: une équipe forte et expérimentée pour faire bouger les choses, 10 septembre 2014
- Ophélie Spanneut, La communication recentrée autour du Président, Europolitique, 17 septembre 2014
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