Le scandale Hypo

Par Guillaume Griffart | 2 janvier 2010

Pour citer cet article : Guillaume Griffart, “Le scandale Hypo”, Nouvelle Europe [en ligne], Samedi 2 janvier 2010, http://www.nouvelle-europe.eu/node/772, consulté le 02 avril 2023

manger_money.jpgLe scandale du rachat de la banque autrichienne Hypo Alpe Adria par la banque régionale bavaroise LBB a défrayé la chronique en Allemagne au cours du mois de décembre. Pourtant depuis une quinzaine d’années l’histoire d’Hypo trace une histoire des rapports politico-financiers douteux entre l’Autriche, la Bavière et la Croatie.

Le scandale du rachat de la banque autrichienne Hypo Alpe Adria par la banque régionale bavaroise LBB a défrayé la chronique en Allemagne au cours du mois de décembre. Pourtant depuis une quinzaine d’années l’histoire d’Hypo trace une histoire des rapports politico-financiers douteux entre l’Autriche, la Bavière et la Croatie.

Grandeur et déboires d’Hypo

Pour Hypo Alpe Adria, l’histoire commence avec la chute du Mur de Berlin. A l’origine, il ne s’agit que de la banque du Land de Carinthie, au Sud de l’Autriche et à proximité immédiate de la Slovénie et de la Croatie, un établissement régional et de taille assez modeste. Pourtant la banque va profiter de l’ouverture des frontières et développer à partir de 1992 une stratégie internationale tournée vers l’Est et les Balkans, en cela elle accompagne le mouvement d’investissement autrichien qui va se diriger vers les pays d’Europe centrale. Hypo va alors intervenir en fournissant en 1993 un prêt de 140 millions de Schillings au premier président de la Croatie indépendante, Franjo Tudjman. Cette opération contribue à attirer la bienveillance du gouvernement croate et du HDZ (le parti conservateur et nationaliste de Tudjman) sur la banque Hypo qui à partir de 1996 va pouvoir installer son activité depuis sa filiale Hypo Banka Croatia. Elle va alors être l’intermédiaire dans de nombreux investissements.

Dans les années 2000, le spectre du conflit yougoslave et le règne de Tudjman s’éloignent et la Croatie se lance dans une phase de modernisation avec l’objectif d’adhésion rapide à l’Union Européenne. Par ailleurs, le pays s’ouvre à nouveau au tourisme. La Croatie se déclare son intention de rejoindre l’Union en 2003 et se voit reconnaître le statut de candidat officiel en 2004. Elle attend, probablement 2012, pour devenir le second Etat de l’Ex-Yougoslavie à devenir membre de l’organisation.  Ce développement va être soutenu par de nombreux investissements autrichiens, lesquels vont être réalisés par l’entremise d’Hypo. Celle-ci va devenir la l’une des banques les plus compétitive d’Europe occidentale dans les années 2000.

Pourtant après son rachat par un groupe d’investisseurs allemands, la mauvaise santé du groupe Hypo est révélée. Il est alors revendu à la banque publique  du Land de Bavière LBB (Landesbank Bayern). La crise vient aggraver la situation et oblige à un soutien par le gouvernement bavarois et un groupe composé des grandes banques autrichiennes (Raffeisen, Erste Bank et Bank Austria) à hauteur de 700 millions d’Euros. Il ne suffit pas, et le 13 décembre dernier Jospeh Pröll, le ministre des Finances autrichien doit se résoudre à nationaliser la banque.

Le système Hypo en Croatie  

On se demandera ce qui a conduit un établissement aussi florissant qu’Hypo à la chute ? C’est ici qu’intervient, le (ou les) scandale(s), car en fait les activités d’Hypo semblent avoir autant été marquées par des pratiques risquées et frauduleuses que par des malversations politico-financières.

Dés le début de son implantation  en Croatie Hypo accorde des prêts pour toutes sortes d’opérations (achats d’entreprises lors des privatisations hâtives, ou plus simplement pour des villas, des yachts ou des jets) avec pour seule garantie celle du régime de Tudjman et du HDZ . Ces prêts contribuent dans une certaine mesure à soutenir les cercles proches du pouvoir et qui s’enrichissent dans des privatisations douteuses des années 1990. Ces opérations, si elles peuvent contribuer au développement du groupe, ne lui assurent pas forcément une grande stabilité. De plus la direction fait preuve d’une gestion assez cavalière en employant certaines méthodes douteuses afin de contourner les obligations de solvabilité et de provisions de la banque, pour ainsi prêter plus. Si bien que dés 2001 la banque nationale autrichienne pointe le manque de prudence dans le développement dans les activités d’Hypo.

Cependant ses pratiques peu scrupuleuses s’associent à des activités coupables en Croatie. La banque est accusée de soutenir la corruption, notamment en faveur de la HDZ. Le quotidien viennois Der Standard évoque le cas d’un terrain réputé non constructible attribué de façon frauduleuse à Hypo et à ses contacts. De nombreux hommes politiques ou des criminels de guerre sont accusés d’avoir servi d’intermédiaires rémunérés pour la banque (le maire de Zagreb Milan Bandic, le militaire et trafiquant Vladmir Zagorec). Cependant la corruption est considérée à l’heure actuelle comme un obstacle potentiel en vue de l’intégration dans l’UE et donc comme le problème politique capital en Croatie. Le thème de la lutte contre la corruption a récemment conduit à la démission du premier ministre Ivo Sanader, lui-même impliqué dans le scandale d’Hypo. Il a aussi été fortement repris lors de la campagne présidentielle ayant conduit à la défaite/ désaveu de la HDZ.

Finance et manœuvres politiques locales

Cependant, les activités répréhensibles d’Hypo sont loin de nourrir un simple système frauduleux en Croatie. Durant toutes les années la banque de Klagenfurt agit avec la bénédiction du Land de Carinthie et de son puissant gouverneur, Jorg Haider, le leader de l’extrême-droite autrichienne. Celui-ci soutient la banque dans ses activités grâce à ses contacts en Croatie et en Slovénie. Dans le même temps le succès d’Hypo contribuent à la renommée d’Haider en Carinthie, son bastion, la banque lui sert aussi à l’occasion de d’intermédiaire dans des opérations douteuses. Ainsi elle est actuellement accusée d’avoir prêté son soutien au FPÖ (Freiheitliche Partei Österreichs, le parti d’Haider) dans des achats de terrains en Croatie  ou d’avoir financé les voyages de prestiges en Libye du gouverneur de la Carinthie. De la sorte elle a contribué à maintenir le système Haider en Carinthie, lui servant ainsi de base dans toute l’Autriche.

Par ailleurs ce sont les mêmes contacts carinthiens qui vont permettre à Hypo d’être rachetées successivement par des hommes d’affaires allemands proches d’Haider puis par la banque publique régionale LBB et le gouvernement de la Bavière. Ces rachats sont aujourd’hui considérés comme suspects dans la mesure où les prix de ventes semblent avoir été artificiellement gonflés. La CSU (Christliche-Soziale Union, Parti chrétien-social, conservateur et traditionnellement au pouvoir en Bavière) et le ministre-président Edmund Stoiber sont accusés d’avoir été complices dans se rachat. La banque LBB et le gouvernement bavarois font l’objet d’enquêtes tandis que l’affaire ouvre une large brèche pour tous ceux qui veulent critiquer la gestion du Land par la CSU.

Désormais la banque Hypo Alpe Adria est sous le contrôle du gouvernement autrichien, ses dirigeants feront l’objet de poursuites, Haider est mort, Stoiber et Sanader sont retirés du pouvoir, des commissions d’enquête se mettent en place à Zagreb, Klagenfurt et Munich, elles donneront des suites au procès. Cependant le scandale Hypo témoigne au milieu de la crise de l’installation des deux côtés des Alpes d’un système financier aussi instable qu’opaque et de sa relation avec les pouvoirs politiques locaux.

Pour aller plus loin

Sur Nouvelle Europe

Ailleurs sur le web 

  • Dubiose Hypo-Geschäfte auf dem Balkan, Der Standard, 20.01.10, http://derstandard.at/

  • Hypo bezahlte Libyen-Flüge von Haider und Kulterer, Der Standard, 15.01.10, http://derstandard.at/
  • Einmaliges Desasters, Der Spiegel, 19.12.09
  • La chute de la maison Hypo, Falter dans Courrier International, 14-20/01/10

Illustration : Lynne. Eat Money , Août 7, 2007. Flickr.