Une question épineuse n'a pas été réglée par le nouveau traité de Lisbonne : celle d'une capitale unique pour l'Europe. Une bonne occasion de se pencher sur le rapport que l'UE et ses citoyens entretiennent avec leurs villes et de se demander si l'absence de capitale unique est un problème ou non.
Une question épineuse n'a pas été réglée par le nouveau traité de Lisbonne : celle d'une capitale unique pour l'Europe. Une bonne occasion de se pencher sur le rapport que l'UE et ses citoyens entretiennent avec leurs villes et de se demander si l'absence de capitale unique est un problème ou non.
L'homo europeanus est urbain
Les mots de la ville ont souvent plusieurs sens en Français. La capitale prend un autre sens quand elle est adjectif. Le mot urbain est lui aussi ambigu en ce qu'il renvoie soit à celui qui habite en ville, soit à la ville elle-même, soit à la notion de civilisation ou même de politesse. Cette multiplicité de sens trouve ses racines dans le passé romain de l'Europe, chère à Rémi Brague.
Si l'on jette un oeil à une carte du monde de nuit, on se rend compte que partout sur le continent, l'homo europeanus est urbain au premier sens du terme, ce qui unit toutes les dimensions du mot. Il ne partage cette qualité qu'avec le Japonais.
{multithumb} Les Américains apparaissent aussi vivre en villes, mais surtout sur la côte Est alors que les Européens vivent partout en ville et le continent est caractérisé par son dense réseau de métropoles.
Si l'on s'approche de la carte et qu'on s'attarde aux noms des villes européennes, on se rend compte que beaucoup d'entre elles ont connu de multiples désignations dans l'histoire, surtout en Europe centrale et orientale, au gré des découpages successifs des Empires, de la naissance des nationalismes européens au XIXe siècle. Ainsi Vilnius s'est aussi appelée Wilno et Vilna. Breslau, Bratislava, Riga, Tallinn entre autres ont aussi connu ce foisonnement de noms.
Les Européens sont ainsi devenus majoritairement urbains par l'exode rural, mais les villes elles-mêmes ont connu une certaine mobilité sur une carte sans cesse changeante.
Les capitales européennes
Cette mobilité des villes européennes a été aussi celle des capitales. Les différents États qui ont renommé leurs villes ont aussi changé de capitales régulièrement comme la Pologne (Cracovie / Varsovie), l'Allemagne (Bonn / Berlin), l'Autriche (Vienne, mais aussi Budapest). Si l'on prend un spectre historique plus large, on notera Rome, Aix, Paris, Berlin comme les capitales successives d'empires de dimensions européennes.
Peut-on penser Bruxelles dans la même continuité ? Ce serait en faire une capitale d'empire, ce que certains n'ont pas hésité à faire, mais du premier "empire volontaire". Bruxelles ressemble alors plus aux capitales du Bas-Empire romain ou à la double capitale de l'Empire austro-hongrois. Elle est un centre de pouvoir parmi d'autres et elle n'a pas entamé le pouvoir de Londres, Paris, Berlin, Varsovie, Rome. Elle est devenue une des capitales de l'Europe, comme pouvait l'être Rome ou Constantinople. Comme les grandes villes européennes, les capitales européennes sont mobiles. Pour ces capitales multiples, la vie y est différente quand le pouvoir s'y présente, ce qui n'est pas le cas tout au long de l'année car même Bruxelles est une "capitale à ellipses". La ville n'est plus la même les jours de Conseils européens ; Strasbourg et Luxembourg sont différentes les jours de session du Parlement européen ou du Conseil des Ministres. Les villes accueillant les 36 agences européennes sont autant de capitales régionales d'un ensemble continental. Cette Europe des capitales, manifestation symptomatique d'une Europe des villes, est elle aussi mobile.
Les villes y retrouvent le rôle des cités libres du Moyen-Âge dans une Europe sans passeport intérieur, elles trouvent un nouveau rayonnement. Vienne dans le grand espace Schengen retrouve la centralité perdue de son espace impérial. Les grands maires d'Europe se connaissent, se réunissent, mènent une sorte de diplomatie municipale.
L'absence de capitale unique n'est pas un problème, c'est une solution pour rapprocher l'Europe des citoyens. L'homo europeanus étant urbain et les villes jouant un rôle central dans l'espace européen, comme capitales régionales ou continentales, il importe probablement qu'elles prennent leur place dans la construction de l'Europe, sans toujours rejeter cette responsabilité sur un centre en réalité diffus. Les villes ont un rôle capital à jouer.
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