



Au moment de l'aggravation de la crise yougoslave au début des années 1990, la France s'est montrée particulièrement réticente aux mouvements d'indépendances slovène et croate.
Ce n'est que par la suite que l'on a pu comprendre les réticences françaises avec le livre de l'ancien président François Mitterrand, De l'Allemagne et de la France, quelques mois avant son décès, dans lequel il explique l'effroi des autorités françaises à l'égard de la crise de l'URSS, de la crise yougoslave et du mouvement de la réunification de l'Allemagne. Cette transformation tient en une phrase : la restructuration géopolitique de l'Europe centrale et de l'Europe de l'Est. Un enjeu majeur qui, heureusement pour nous tous, ne justifiait pas les craintes de François Mitterrand, mais il n'était d'ailleurs pas seul dans ces convictions.
Je vous rappelle une anecdote de ces années là : un des grands partis français de l'époque a organisé en 1994, bien après la reconnaissance officielle de la Slovénie, un colloque au sein de l'Assemblée Nationale intitulé : "vers une Troisième Yougoslavie" ?
J'ai cru que vous alliez me parler du colloque "L'Europe et les tribus", en 1992, au début de la crise yougoslave ...
Je n'avais pas entendu parler de ce colloque-ci, mais c'est symptomatique. Je dois vous dire que celui de 1994 était mouvementé car une partie de la vie politique française insistait même en pleine crise, avec la guerre civile en Bosnie-Herzégovine, sur une recomposition d'une Yougoslavie. Ce sentiment était largement partagé.
Il y a eu bien évidemment des voix réticentes comme le célèbre Jacques Rupnik. Mais ce furent des voix isolées.
Le tournant correspond à la fin de la période de François Mitterrand, au milieu des années 1990, au cours de laquelle la France commence à regarder d'un œil différent vers les pays d'Europe centrale, dont la Slovénie.
Il y a déjà un certain développement dans un contexte de relations très anciennes : on va fêter en 2009 le bicentenaire de la création des provinces d'Illyrie, dont Ljubljana était le chef-lieu. Donc à ce moment-là démarre une politique qui n'est plus réservée, beaucoup plus ouverte, mais malheureusement, je dois vous dire qu'elles ne se sont pas traduites par une visite présidentielle française, malgré tous nos efforts, depuis 1991.
Vous parliez de la rupture qui a suivi la présidence de Mitterrand. Est-ce que vous feriez une différence entre la présidence de Mitterrand et la France présidée par Jacques Chirac dans la politique slovène ?
Absolument. Il y a eu un certain dégel qui n'était pas seulement visible mais aussi palpable dans nos relations. Avec l'arrivée de Jacques Chirac, on a eu le sentiment de devenir des partenaires.
Malheureusement, il y a eu avant une certaine réserve, une crainte, devant le morcellement de la Yougoslavie, une nostalgie d'avoir perdu un point de repère qui était institutionnalisé depuis le traité de Versailles. Je crois que la France s'en est bien rétablie : les craintes de François Mitterrand, exposées dans son livre, ne se sont pas avérées fondées.
Est-ce que dans les deux mandats de Jacques Chirac vous feriez une différence ? Par exemple, dans d'autres Etats membres, on rappelle sans cesse certaines maladresses du Président au moment de la guerre en Irak et avant l'adhésion de ces pays à l'Union européenne. Pour la Slovénie, est-ce que cette position a été continue ou marquée par des ruptures avant 2004 ?
Je ne crois pas qu'on puisse parler de rupture mais on peut dire qu'il s'agissait d'une montée progressive de la confiance. Je suis pleinement conscient de ce que vous voulez dire en mentionnant les « maladresses », mais elles n'ont pas eu d'échos tellement défavorables dans mon pays, au contraire d'autres pays d'Europe centrale.
Pour nous, il y a eu une phase relativement longue à partir de 1995 de « confidence building », qui s'est confirmée avec l'entrée de la Slovénie dans l'Union. A ce moment là, commence une nouvelle phase de partenariat et le milieu de l'année 2005 marque le commencement du processus de coopération étroite dans les présidences successives. Donc, je ne dirais pas, en ce qui concerne la Slovénie, qu'il y a eu rupture ou malentendu après 1995.
Est-ce que, dans la marche vers l'Union - on sait que les relations bilatérales étaient indispensables à l'entrée des pays d'Europe centrale et orientale -, nous ne nous dirigerions pas plutôt vers le multilatéral depuis 2004 ?
Je suis pleinement d'accord avec vous. Déjà l'existence d'une structure supranationale et multinationale comme l'Union européenne permet de penser que l'accent se trouve sur la coopération entre tous les partenaires. Bien évidemment, il y a entre les 27 des affinités plus proches entre certains pays.
Par exemple, il y a des Etats où le secteur agricole représentent toujours une part importante du PIB. Je crois pouvoir vous dire que ces pays, dans une certaine mesure, partagent un intérêt commun. En 2005, il y a eu une différence très nette entre les pays en faveur d'injections financières plus importantes en faveur de la stratégie de Lisbonne, et ceux souhaitant continuer avec les approches politiques traditionnelles a l'égard des politiques européennes. Il y a, bien évidemment, des petites nuances d'intérêt ; ce qui est légitime, ce qui est acceptable, ce qui est parfaitement normal.
Est-ce que vous diriez que les choses ont changé depuis l'élection de Nicolas Sarkozy avec son discours : « la France est de retour en Europe » ? La France est-elle de retour en Slovénie ?
Disons que la France n'a jamais été absente de la Slovénie : nous allons fêter le bicentenaire que j'ai cité. Nous avons, sur le plan économique, une coopération très importante, établie au milieu des années 1970. Par exemple, la plus importante usine de Renault en dehors de la France se trouve en Slovénie.
Sur le plan politique, la phase des deux présidences qui se succèdent est particulièrement importante et a pu se faire sur le bilatéral et pas seulement sur le plan européen. Nous avons pu ainsi resserrer nos contacts nos relations. Entre autres, la France représente la Slovénie dans 115 pays du monde pendant la présidence slovène. Il y a eu des avancées politiques bilatérales entre nos deux pays. Et je suis le premier à m'en réjouir. Mais nous aurions aimé avoir une visite officielle d'un Président de la République française, qu'on attend depuis l'indépendance de la Slovénie. Et là, je suis désolé de devoir me répéter, nous l'attendons toujours.