Le positionnement de la Grèce en Méditerranée et dans les relations euro-russes

Par Marie Geredakis et Antoine Lhantony | 23 février 2015

Pour citer cet article : Marie Geredakis et Antoine Lhantony, “Le positionnement de la Grèce en Méditerranée et dans les relations euro-russes”, Nouvelle Europe [en ligne], Lundi 23 février 2015, http://www.nouvelle-europe.eu/node/1871, consulté le 26 mars 2023

Les relations gréco-russes se basent sur des relations anciennes, des cultures proches, des flux humains importants et des échanges économiques significatifs. Avec l’arrivée au pouvoir de Syriza et d’ANEL, ces éléments prennent une nouvelle dimension, notamment à propos de la relation entre l’UE et la Russie et dans la lecture de la situation en Ukraine.

Syriza/ANEL : le refus d'une nouvelle guerre froide et d'une politique étrangère commune interventionniste

Depuis l'éclatement de la crise de Crimée, la guerre en Ukraine et les sanctions économiques prises à l'encontre de la Russie ont fortement fait réagir le parti grec de la gauche radicale Syriza ainsi que le parti de droite souverainiste et anti-austérité Les Grecs Indépendants (ANEL). À un niveau européen, les sanctions à l’encontre de la Russie sont critiquées par les partis représentés au sein du GUE/NGL, du Front de Gauche à Syriza, mais aussi par les partis souverainistes, de Debout la France à l’ANEL.

Dès le 27 février 2014, dans un communiqué de presse, Syriza exprimait son inquiétude et sa préoccupation vis-à-vis de la crise de Crimée : « Un nouveau mur est en train de s'élever en Europe. [...] Après la dislocation de l'ex-Yougoslavie, une seconde tragédie frappe le cœur de l'Europe ». Notons que, de la même manière, en mars 2014, pendant la campagne pour les élections européennes, Alexis Tsipras a clairement exprimé son hostilité à la rhétorique de « guerre froide » de Martin Schulz à propos de la situation en Ukraine et a pointé du doigt « la participation de l’extrême-droite et de néo-nazis dans le nouveau [à l’époque] "gouvernement" ukrainien ». Soulignons ici que le positionnement d'Alexis Tsipras contre le fascisme a une connotation toute particulière si l'on prend en compte l'ascension d'Aube dorée qui n'est pas sans rappeler le passé du régime des colonels ainsi que les persécutions subies par les militants de gauche pendant la Seconde Guerre mondiale, la guerre civile et la dictature des colonels. Symboliquement, pour sa première cérémonie officielle, le Premier ministre a d'ailleurs choisi de se rendre à Kessariani, près d'Athènes, où 200 combattants communistes ont été exécutés par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.

Tout en affirmant sa solidarité avec le peuple ukrainien, appauvri par les politiques autoritaristes du pouvoir de Ianoukovitch, Syriza attaquait l'attitude du gouvernement grec d'alors qui, selon lui, au lieu d'œuvrer à une politique qui vise la paix, la stabilité, « la justice sociale et économique, la sécurité des citoyens ukrainiens, y compris des minorités grecques [principalement situées à Marioupol, ville portuaire stratégique de la région de Donetsk], a présenté comme principal "médicament" pour l'Ukraine le FMI et l'OTAN ». Il appelait alors à une résolution diplomatique, respectueuse de la souveraineté du peuple ukrainien, sans intervention étrangère, dans le but de rétablir la paix et la démocratie.

Ainsi, les sanctions économiques décidées par l'UE à l'encontre de la Russie ont été soutenues par le gouvernement de coalition PASOK – Nouvelle Démocratie. Alors qu’Antonis Samaras évitait de prendre ouvertement position, son ministre des Affaires étrangères, Evangelos Venizelos, indiquait en août 2014 : « Nous sommes en contact pour que les conséquences soient les moins importantes et si cela est possible, pour qu'il n'y ait aucune conséquence pratique ». Il ajoutait que ces décisions concernaient tout le monde occidental et que la Grèce, en tant que membre de l'Union européenne respectant ses obligations, devait essayer de conserver les meilleures relations avec tous les pays tout en essayant de protéger les intérêts des agriculteurs grecs. Ces propos parvinrent à convaincre peu de monde. En témoigne le titre du journal Vima tis kiriakis qui, pourtant, était proche du gouvernement : « Les propos assurés du gouvernement grec à Moscou qui disaient avoir soutenu une position de modération sur la scène européenne et face à l'OTAN n'ont pas convaincu ». En effet, quelques jours plus tard, Mr Venizelos se rendait à Moscou, comme son homologue chypriote, dans le but de parler contrats d'armement et n'avait pas osé évoquer la situation ukrainienne.

La position du MAE grec se voulait donc ambiguë. Dans une déclaration du 9 août 2014, il promettait des indemnisations aux agriculteurs grecs, sans que cela ait été décidé au niveau européen, et n'a pas manqué de pointer du doigt Ankara : « L'UE et les partenaires euro-atlantistes se doivent de reconnaître rapidement qu'il ne peut pas y avoir de candidature d'adhésion à l'UE de la part de pays qui font partie de l'Alliance, adhèrent à une politique à la carte de l'Union européenne et qui profitent des coûts payés par les Etats membres ». Au sein de l'opposition et dans beaucoup de médias, cette annonce a été particulièrement mal reçue, le gouvernement ayant été accusé de ne pas avoir  tenté d'obtenir d’exceptions pour certains produits.

La volonté de mettre en place une politique étrangère indépendante : l'affirmation de la souveraineté nationale

Deux partis politiques se sont le plus clairement positionnés contre les sanctions économiques prises contre la Russie : Syriza et l’ANEL. En invoquant les intérêts nationaux de manière quelque peu différente, les deux partis pointaient du doigt la responsabilité du gouvernement de coalition et insistaient sur la nécessité de mettre en place une politique étrangère et économique indépendante. Syriza a dit regretter la guerre économique et commerciale « à laquelle participe malheureusement la Grèce » et soulignait que « dans le même temps, il [le gouvernement grec] n'a pas pris en compte les minorités grecques en Ukraine, les relations Grèce-Russie qui, au lieu d'être développées au profit des deux Etats et des deux peuples, se sont dégradées ». Le porte-parole d'ANEL, Terence Kouik affirmait, quant à lui que « le gouvernement porte une lourde responsabilité en disant "oui" à toutes les sanctions contre la Russie ».

Récemment, l'opposition du gouvernement nouvellement élu de Syriza aux sanctions économiques contre la Russie a suscité de vives réactions. En témoignent les titres de plusieurs articles dans la presse française: « La Grèce, cheval de Troie de la Russie au sein de l'UE ? » (France 24, 29 janvier 2015), « Soutien de la Grèce à la Russie: "Ce ne sont pas de bonnes manières" » (RFI, 6 février 2015)... Si cette position a pu être vue comme un geste de défiance à l'égard de l'UE, une autre interprétation peut également être mise en avant. Le nouveau ministre des Finances grec, Yannis Varoufakis, raconte ainsi dans un de ses billets de blog que son collègue des Affaires étrangères, Nikos Kotzias, aurait appris lors de sa prise de fonctions que de nouvelles sanctions contre la Russie avaient été décidées. Pour lui, le point fondamental de la position grecque alors exprimée tenait au respect de la souveraineté nationale. On peut néanmoins identifier deux maladresses des acteurs en présence. D'une part, Donald Tusk a prévenu Athènes de cette décision en utilisant une procédure de silence (ou d’approbation tacite), ce qui paraît maladroit si on connaît la rupture entre l’ancien et le nouveau gouvernement grec. D'autre part, un malentendu du gouvernement grec peut être regretté. En effet, la déclaration en question ne portait pas sur de nouvelles sanctions mais sur un mandat permettant aux ministres des Affaires étrangères de se pencher sur des sanctions ultérieures.

 

 

L'affirmation de la souveraineté nationale et la volonté de conduire une politique étrangère indépendante se retrouvent également dans les déclarations de Nikos Kotzias, le nouveau ministre des Affaires étrangères, ainsi dans celles de Panagiotis Lafazanis, ministre de la Reconstruction de la production, de l'Environnement et de l'Énergie. Ce dernier dit vouloir mettre en œuvre une politique « basée sur l'intérêt national, la paix et la stabilité dans [la] région et en Europe, loin des dépendances, des "satellisations" et des rapports de domination ».  Dans un entretien publié par L'Humanité en date du 28 janvier 2015, Nikos Kotzias évoquait, quant à lui, le droit pour chaque État membre de dire son opinion et d'évoquer ses intérêts: « Nous sommes un pays pauvre, un petit pays en crise, mais un pays égal. Nous sommes complètement endettés mais non sans droits » (The Press Project, 10 février 2015). Tout en soulignant un point problématique tenant à l'hypothétique unicité européenne vis-à-vis de la Russie (« Mais existe-t-il par ailleurs une politique européenne russe de la part de l'Union européenne ? »), il soulignait la nécessité de mettre en place une nouvelle stratégie permettant de mettre fin à la déstabilisation aux frontières de la Russie et de l'Ukraine.

Peut-être faudrait-il cependant calmer les enjeux et les réactions enflammées autour d'un rapprochement Grèce-Russie. Objectivement, la Grèce ne pourra pas changer seule la position de l'UE vis-à-vis de la Russie. Au lendemain de la victoire de Syriza du 25 janvier dernier et au-delà de l’invitation de visite à Moscou déjà formulée par Vladimir Poutine à Alexis Tsipras, Iouri Kvachine, chercheur à l'Institut moscovite de l'économie mondiale et des relations internationales, affirmait: « Pour les nouveaux dirigeants du pays, le plus important est de faire monter les enchères et de montrer que la Grèce a un véritable effet de levier sur l'unité de l'Europe. [...] S'attendre à ce que, sous la pression de la Grèce, l'UE change sa politique envers la Russie serait faire preuve d'un optimisme excessif ». Pour Gevorg Mirzayan, chercheur en sciences politiques à l'Institut des Etats-Unis et du Canada de l'Académie des sciences de Russie, « l'escalade du conflit entre la Grèce et l'UE détourne l'attention de Bruxelles de la crise ukrainienne ».  Les relations UE – Grèce sont donc suivies dans les médias russes, avec une forme d’espoir, des commentaires positifs vis-à-vis de la Grèce et des Grecs, mais également avec un réalisme modéré sur des changements de la politique européenne à l'égard de Moscou. Elles sont pourtant vues avec anxiété par les partenaires occidentaux de la Grèce.

Les peurs européennes et américaines face au possible rapprochement russo-grec

Après les déclarations du ministre Lafazanis concernant l'opposition du gouvernement grec aux sanctions contre la Russie, Martin Schulz était la première personnalité européenne à rendre visite au Premier ministre, Alexis Tsipras, le 29 janvier dernier. Sorte de rappel à l'ordre et peut-être de mise en garde avant le début des négociations concernant la dette grecque, il a déclaré lors de cette visite à la chaîne allemande ZDF : « Vous ne pouvez pas demander d'un côté à l'Europe de faire preuve de solidarité envers votre pays, comme le fait M. Tsipras, et de l'autre rompre avec la position européenne dès votre premier geste officiel ». Assurément, cette première déclaration ainsi que l'invitation de l'ambassadeur de Russie au lendemain de la victoire aux législatives ne constituaient pas des signaux susceptibles de détendre les relations entre les deux parties.

Ainsi, dans un article en date du 28 janvier 2015, le Financial Times parlait d'une « grenade jetée en direction de Bruxelles ». Selon l’article, les craintes du côté européen pouvaient être alimentées par des informations contenues dans le même article : les relations entre Panos Kammenos, chef du parti ANEL, et l'oligarque Konstantin Malofeev, proche du pouvoir russe ; une photo montrant côte à côte Nikos Kotzias et l'idéologue néo-eurasiste Alexandre Douguine à une conférence organisée à l'Université du Pirée à Athènes où le nouveau ministre enseignait les relations internationales. Du côté grec, le site d'information Prothema publiait le 7 février dernier un article au titre racoleur « Die Zeit : les 700 mails-brûlants qui montrent que la Russie veut se rapprocher de la Grèce ». Ainsi, selon la même source « des Russes durs veulent faire imploser l'UE et s'allient pour que Moscou acquiert une position hégémonique ». Une liste de personnes à approcher aurait même été constituée dans le but de construire « un club d'élites ». Dans ces luttes d'influence et ces renvois de responsabilité, difficile donc de démêler le vrai de la rumeur nauséabonde.

Néanmoins, il semble que, du côté grec, l'on soit passé à une stratégie de positionnement très réaliste où le gouvernement, conscient de la nécessité de trouver des appuis en Europe mais aussi à l'extérieur de l'Union, agit par petites touches pour construire des alliances.

Les Etats-Unis sont également concernés par l'évolution des relations Grèce-Russie et UE-Russie puisque, pour la première fois, le Président Obama, qui a téléphoné à Alexis Tsipras pour le féliciter, est intervenu ouvertement sur le sujet dans une émission sur CNN : « On ne peut pas continuer à pressurer des pays qui sont en pleine dépression. À un moment donné, il faut une stratégie de croissance pour pouvoir rembourser ses dettes, pour éliminer les déficits ». Cette réaction pourra paraître à certains suspecte et dans le même temps porteuse d'espoir pour ceux qui attendent un changement politique après la victoire de Syriza : pourquoi subitement une telle position de la part des Etats-Unis, plus grand pays actionnaire du FMI ?

On peut dégager plusieurs enjeux de cette déclaration : en se positionnant publiquement sur une politique européenne, Washington se pose d'abord en position de force, en délivrant un message que beaucoup attendaient de Bruxelles, et semble diriger son message vers Berlin et vers le camp dur des défenseurs de l'austérité. Ce soutien implique également des « contreparties sécuritaires » : l'engagement de la Grèce à rester dans l'OTAN, l'installation possible de bases de drones en Grèce, la prise de mesures contre le terrorisme ou encore le suivi d'une ligne dure vis-à-vis de la Russie. Le ton de l’inquiétude américaine avait d’ailleurs été donné dès le 27 janvier par Foreign Policy, qui titrait « Pourquoi Poutine est le grand vainqueur des élections grecques ».

Si l'on prend en compte également la position stratégique de la Grèce en Méditerranée orientale, alors les enjeux géopolitiques éclairent la complexité des relations entre les différents acteurs en présence.

La Grèce dans la recomposition stratégique en Méditerranée orientale

L’appel téléphonique de Barack Obama tout comme l’intérêt des institutions financières des Etats-Unis pour la Grèce s’expliquent probablement également par une prise en compte de l’ensemble de la zone mer Noire – mer Méditerranée orientale.

La Crimée est revenue dans le giron de l’Etat russe malgré des protestations ukrainiennes et occidentales qui ne changeront sans doute rien, la Turquie (deuxième armée de l'OTAN) est chaque jour un peu plus proche de la Russie et un peu plus éloignée des Etats-Unis, la Syrie est déchirée et a toujours un port militaire russe, la Libye est en chaos, l'Egypte est très moyennement stabilisée avec un pouvoir qui s'est rapproché à nouveau fortement de la Russie à la faveur du retrait partiel des Etats-Unis, Chypre proposerait à la Russie d’établir une nouvelle base militaire sur l’île ou au moins d’accueillir hommes et matériels en transit…

La Grèce semble donc rester (avec Israël) un des rares points de stabilité stratégique pour les Etats-Unis en Méditerranée orientale (et par extension vers la mer Noire), zone dans laquelle ils présentent des signes d’affaiblissement, au contraire de la mer Baltique par exemple. C'est d'ailleurs la position tenue par Nikos Kotzias dans l'entretien du 28 janvier précédemment cité. Pour lui, ni l'Union européenne, ni les Etats Unis n'ont intérêt à ce que la Grèce, située entre la Libye, le Moyen-Orient et l'Ukraine, ne soit déstabilisée : « L'intérêt majeur de l'UE est de créer un triangle stable avec, au centre, une Grèce stable. C'est-à-dire lancer une vague de stabilisation depuis la Grèce vers ces régions, et non pas créer une vague de déstabilisation de ces régions vers la Grèce ».

En outre, l’inquiétude des Etats-Unis, mais aussi de nombreux dirigeants d’Europe de l’Ouest et du Nord, grandit face aux divisions qui s’accroissent au sein des sociétés et des Etats européens au sujet de la Russie.

La double division européenne vis-à-vis de la Russie : entre Etats et au sein des sociétés

Spectateurs impuissants des guerres fratricides d’ex-Yougoslavie, les Grecs ont exprimé en 1999 leur hostilité aux frappes de l’OTAN sur Belgrade et leur proximité avec la Serbie et la Russie. Cet épisode, qualifié de tournant en Russie et repris notamment par Vladimir Poutine lors de son important discours de la conférence de Munich en 2007, avait divisé les Européens.

L’épisode actuel, autour de la guerre en Ukraine, divise probablement davantage les Européens, cette fois-ci à propos de la Russie.

En effet, contrairement à l’effet loupe dû à l’élection d’une nouvelle majorité en Grèce, celle-ci n’est que la tête de pont d’un groupe d’Etats de l’UE (outre la Serbie hors-UE) qui ont des raisons rationnelles (souvent économiques) de vouloir s’opposer aux sanctions. Hongrie, Slovaquie, République tchèque, Autriche, Chypre et donc Grèce et Serbie (voire même Macédoine) forment un groupe d’Etats géographiquement relativement cohérent qui dessine une Europe du centre-sud-est qui, inclue ou non dans l’UE ou l’OTAN, voit ses relations avec la Russie comme suffisamment importantes pour potentiellement suivre un chemin différent du reste de l’Europe, sans toutefois remettre en cause, pour le moment, les institutions UE et OTAN.

Plus intéressant encore, au-delà de cette division entre Etats, une division profonde s’installe au sein des sociétés au sujet de la Russie.

Ainsi, en France, une opposition se dessine tant entre les partis (PS, Verts, UDI, Modem d’un côté ; Front de Gauche, Debout la France, UMP, FN de l’autre, ce dernier parti étant depuis peu en relations avec le parti Russie Unie) qu’au sein même des partis (la ligne Sarkozy – Mariani plus favorable à la Russie semble majoritaire à l’UMP et a été renforcée par la déclaration de Nicolas Sarkozy comprenant le choix de la Crimée et souhaitant « une force d’interposition » pour protéger les russophones d’Ukraine) ou entre intellectuels (parmi eux, la voix de Jacques Attali se fait de plus en plus entendre pour prôner d’urgence un rapprochement avec la Russie).

La ligne de fracture au sein d’un même pays peut également prendre des traits plus simples au premier abord : russophones d’un côté, non-russophones de l’autre, par exemple en Lettonie. Si cette division existe dans la relation à la Russie, notamment au regard de la situation actuelle en Ukraine, elle doit aussi être nuancée, par exemple par l’âge, le lieu de résidence, le lien familial avec la Russie… ce qui se retrouve dans les violents commentaires d’articles sur le web letton russophone.

Un élément se dégage peut-être de tout cela : la position majoritaire, voire l’unanimité, des Etats européens vis-à-vis de la Russie est un vernis, une façade.

Dans ce contexte européen et international à la fois lourd et complexe, impliquant Etats et sociétés, ceux qui s'offusquent des récentes déclarations grecques concernant la Russie et évoquent un rapprochement possible entre les deux pays oublient un point important : leurs relations ont toujours été amicales. D'un point de vue grec ou russe, il ne s'agit donc pas d'une inflexion majeure. De la même manière, ceux qui connaissent la Russie pourront rappeler que les sanctions économiques s'annonçaient, à l'avance, inutiles, inefficaces et coûteuses tant pour la Russie que pour l’UE, ce que vient de confirmer le ministre espagnol des Affaires étrangères. Conscient de son isolement à Bruxelles et de la rude bataille autour de la dette qui s'annonce, le gouvernement grec tente donc plutôt de se positionner stratégiquement et de développer des relations bilatérales avec d'autres pays qui ont un poids économique ou géostratégique, comme la Russie et la Chine. Ainsi, le 11 février dernier, le Premier ministre chinois Li Keqiang a félicité Alexis Tsipras de son élection tout en l'invitant à venir prochainement en visite. Tant que Tsipras n'est pas, complètement, au pied du mur, il peut se permettre de jouer sur différents tableaux. Cependant, la véritable question à laquelle il est encore difficile de répondre, serait : lorsqu'il n'aura plus le choix, comment se positionnera-t-il ?  De là dépendront les possibles alliances stratégiques, notamment avec la Russie.

 

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Source photo: Press point President Schulz and PM Tsipras, flickr