Si nous parlons de mythes positifs, il nous semble que « le rêve américain » a marqué en
quelque sorte l’imaginaire des Roumains sous le communisme. Le pays de la fast food, du Coca Cola, d’Hollywood, « America » (traduction du roumain) a représenté la terre des opportunités ouvertes aux gens de toute catégorie sociale. Il faut se demander comment un pays communiste si lointain et partageant des idéologies opposées pourrait s’approprier de telles idées ? Nous mentionnons ici une seule voie : celle de la cinématographie.
Si l'on parle des régimes communistes, une des principales caractéristiques serait celle du contrôle de l’information et de l’imposition de l’image de « l’homme nouveau » comme pièce centrale de l’existence individuelle. Même si la technique d’imposition a produit des effets étendus, il faut probablement regarder de l’autre côté de la monnaie : les gens ne sont pas des marionnettes. La reprise partielle de la rhétorique officielle comme modalité de survie, les manifestations subversives de type culturel ou artistique, la production d’autres buts ou mythes positifs ont été juste quelques façons de contrecarrer une imposition qui visait à noyer toute dimension de la vie quotidienne. Ce serait juste de dire, si ces comportements se sont produits, que d'une certaine mesure le régime lui-même a donné le cadre et les outils pour son propre évitement.
Les images déroulées sur les écrans sont parlantes non seulement parce qu’elles font la publicité des acteurs qui deviennent plus tard les idoles des générations, mais aussi parce qu’elles présentent certaines façons de vivre. Nous reconnaissons souvent dans ces films l’individu doué qui réussit à gagner sans respecter les règles ou le super héros qui sauve le monde, tous situés dans des espaces en apparence accessibles au public. Des personnages interprétés par les acteurs de l’époque deviennent non seulement crédibles, mais incarnant véritablement pour leurs fans les réalités américaines. Ce « glamour » semble laisser la place progressivement, dans les années 1980, aux histoires mettant en avant des personnes ordinaires dans des situations extraordinaires, avec lesquelles les gens semblent avoir pu s’identifier encore plus.
Changer la vie ?
On sait des films américains, entre autres, que l’amour est possible pour tout le monde, que chacun peut devenir riche avec un peu de chance, que si l’on souffre nous allons être récompensés, que les mauvais sont toujours vaincus. Dans certaine mesure ces réalités sont non seulement vécues devant l’écran, mais aussi en-dehors de celui-ci, prenant les formes des conversations sur le sujet et de la mode. Si ces comportements semblent maintenant étonnants et parfois naïfs, cela se doit aussi à l’unicité des sources d’information de la période, à la clôture progressive du système et au durcissement des conditions de vie.
C’est indéniable que les films de l’Ouest ont fait rêver. La répression du régime après les années 1980 a eu des effets sur cet univers imaginaire : s’il s’est éteint pour quelques-uns, il est devenu le fruit interdit pour d’autres. Néanmoins, certains effets doivent avoir marqué les histoires individuelles, puisque après 1989 les mêmes gens ont accueilli avec un enthousiasme hors du commun la visite du président Clinton en Roumanie en 1997 et ont fait des compromis considérés par l’opinion internationale comme étonnants dans la relation avec les forces de l’OTAN.