À quoi sert encore la Présidence tournante ?

Par Philippe Perchoc | 9 janvier 2011

Pour citer cet article : Philippe Perchoc, “À quoi sert encore la Présidence tournante ?”, Nouvelle Europe [en ligne], Dimanche 9 janvier 2011, http://www.nouvelle-europe.eu/node/991, consulté le 26 mars 2023

Les débats sont vifs depuis que la Hongrie a pris la présidence du Conseil de l'Union européenne. Il faut pourtant se poser la question des pouvoirs de cette fonction. À l'heure du Traité de Lisbonne et de la présidence permanente (incarnée par Van Rompuy), quel rôle reste t-il à la présidence tournante ?

La tournée des Présidents

Les Français se souviennent probablement de l'activisme de la Présidence française de l'Union européenne au second semestre 2008. L'omni-président français semblait piloter l'ensemble du dispositif européen, ce qui est en partie juste. Mais depuis l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en 2009, les pouvoirs de la présidence sont différents.

Jusqu'en 2009, une présidence tournante permettait à chaque pays de présider pendant six mois les réunions aussi bien du Conseil européen (réunissant les Chefs d'États et de gouvernements) que du Conseil de l'Union européenne (réunissant les Ministres des États membres et formant le co-législateur européen avec le Parlement).

Aujourd'hui, le Conseil européen a un Président élu pour deux ans et demi. C'est lui, Herman Van Rompuy, qui fixe l'agenda de l'institution qui donne le "la" de la politique européenne. Il est secondé par le Haut Représentant pour la Politique étrangère, Catherine Ashton, qui préside le Conseil de l'Union européenne "Affaires étrangères", regroupant les Ministres des Affaires étrangères de l'UE. 

Comme le précise le traité de Lisbonne (TUE art. 16), les autres formations du Conseil, réunissant les Ministres de l'Agriculture, de l'économie, de la défense etc. sont présidées comme auparavant par la présidence tournante semestrielle. Là où il avait donc une seule présidence, exercée par les États membres à tour de rôle, nous en avons aujourd'hui trois. 

Quels pouvoirs pour la Présidence ?

En l'absence de conjonction entre Présidence du Conseil européen et du Conseil des Ministres, et sans la présidence du Conseil "Affaires étrangères", les présidences tournantes sont particulièrement affaiblies. Par ailleurs, elles s'inscrivent dans une "troïka" de trois présidences (aujourd'hui le trio Espagne - Belgique - Hongrie) qui définit un programme sur 18 mois. 

La Présidence tournante peut donc faire avancer des dossiers dans le processus législatif qu'elle ne maîtrise pas totalement. Elle doit en effet négocier  et élaborer des compromis politiques avec la Commission et le Parlement. C'est pourquoi son pouvoir est avant tout un pouvoir de blocage. 

Elle bénéficie aussi d'un poids médiatique assez important, notamment vis-à-vis de sa propre population. La présidence est un moment particulier pour un gouvernement : il se retrouve au coeur de la mécanique européenne et tout le pays vit au rythme des dossiers européens. Elle constitue donc une formidable occasion de pédagogie européenne. À l'inverse, le pays est au coeur de l'attention médiatique de 27 États membres et c'est ce qui explique que la Hongrie vive un début difficile de présidence. 

Celle-ci est donc surtout un moyen de montrer les ambitions européennes d'un pays, d'utiliser le levier médiatique pour faire avancer ses priorités - comme les Balkans pour la Hongrie - et de faire oeuvre de pédagogie vis-à-vis de sa population. 

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Source photo : IMG_0233, par Cédric Puisney, sur flickr