L’initiative de la Commission Européenne pour la création d’un « Espace européen de la recherche », en lien avec l’espace européen de l’éducation, rentre clairement dans une stratégie plus large, connue comme « Stratégie de Lisbonne », qui est de permettre à l’Europe, à horizon 2010, de « devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde ».
Un marché commun de la connaissance
C’est en effet le Conseil européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000 qui a adopté la communication « Vers un espace européen de la recherche », présentée par la Commission le 18 janvier 2000.
Ce document donnait plusieurs outils et pistes de réflexion pour mener à bien un objectif aussi ambitieux que la création d’un « marché commun » du savoir, dans un domaine où les Etats demeurent encore très jaloux de leurs prérogatives.
La Commission souligne avant tout le besoin de coordination et de cohérence à tous les niveaux, que ce soit pour les financements, les références scientifiques et techniques, les valeurs sociales et éthiques ou les activités de recherche.
A cette fin, la communication de 2000 suggère de tirer profit de nouvelles possibilités offertes par tous les moyens de communication modernes, à commencer par une mise en réseau des centres d'excellence partout en Europe.
Mais la Commission n’oublie pas les ressources humaines, en proposant une plus grande implication des femmes et des jeunes, des instruments pour stimuler la mobilité entre les chercheurs des différents pays européens, mais aussi pour attirer les meilleurs chercheurs du reste du monde.
Dans la perspective de l’élargissement de 2004, la Commission est tout particulièrement soucieuse d’intégrer les chercheurs et les organismes des futurs membres, consciente du défi que représente l’harmonisation des politiques de recherche d’un si grand nombre de pays (ce qui impose une réflexion sur l’intérêt des actions « à géométrie variable »), mais aussi du fait que l’élargissement rend encore plus pressant le besoin de cohérence.
Un véritable espace européen de la recherche ne pourra toutefois pas être réalisé seulement à travers la coordination des politiques nationales. Compte tenu de l’autonomie dont bénéficient souvent les centres de recherche, ainsi que de leur grande variété, les acteurs locaux ont un rôle fondamental pour la réussite de ce processus. La Commission voit en particulier dans les régions le moteur du développement de l'économie de la connaissance européenne et c’est à elles que s’adresse une nouvelle communication, publiée le 3 octobre 2001 et intitulée « La dimension régionale de l'espace européen de la recherche ».
Le budget pour le 6ème PCRD (Programme Communautaire de Recherche et de Développement) était de 17,5 milliards d'euros, ce qui représentait près de 4% du budget global de l'UE, et reposait essentiellement sur deux nouveaux instruments : les réseaux d’excellence, visant à intégrer progressivement les activités des organismes partenaires, et les projets intégrés, conçus pour aider à créer une masse critique pour la recherche.
Le 1er janvier 2007 est entré en vigueur le 7ème PCRD, qui a été simplifié et structuré autour de quatre programmes, correspondants à quatre objectifs principaux : stimuler la coopération et renforcer les liens entre l'industrie et la recherche dans un cadre transnational, afin de construire un leadership européen dans des domaines clés de la recherche (programme Coopération) ; soutenir les projets de recherche les plus ambitieux et les plus innovants (programme Idées) ; améliorer la mobilité et les perspectives de carrière des chercheurs en Europe et attirer plus de jeunes (programmes Personnes) ; enfin, investir davantage dans les infrastructures de recherche dans les régions les moins performantes, dans la formation de pôles régionaux de recherche et dans la recherche au profit des PME (programme Capacités).
Le savoir et la technologie sont les atouts majeurs de l'Europe et représentent la base de la croissance et de l'emploi. Il faut donc faire fonctionner le « triangle de la connaissance » formé par l’éducation, la recherche et l’innovation et pour cela l’UE doit se doter d’instruments financiers appropriés. C’est à cette fin que la Commission a proposé un budget de 50 milliards d'euros pour la période 2007-2013, en nette augmentation par rapport aux 17,5 milliards du 6ème PCRD.
En dépit de certains développements positifs, notamment une prise de conscience de la dimension européenne de la recherche, le rapprochement des acteurs de la recherche en Europe et le lancement de nouvelles initiatives de coopération, la Commission pointe le doigt contre l’insuffisante implication des Etats membres, qui a « réduit la portée des actions entreprises, compromettant les chances d'atteindre les objectifs visés : la création d'un vrai "Marché intérieur de la recherche" et l'établissement d'une véritable coordination des politiques nationales de recherche ».
Les gouvernements se sont pourtant à plusieurs reprises engagés à augmenter leurs dépenses en matière de recherche, avec l’objectif, fixé lors du Conseil européen de Barcelone en mars 2002, d’augmenter le niveau d’investissement, qui ne représente aujourd’hui que 1,9% du PIB de l’UE, à hauteur de 3% (donc au même niveau que les Etats-Unis et le Japon) d’ici 2010, en misant notamment sur la stimulation de l’investissement privé.
La Commission envisage donc de renforcer les instruments de convergence, en particulier la diffusion des « bonnes pratiques » et le benchmarking, méthode empruntée au marketing et qui consiste à se comparer aux entreprises, ou, dans ce cas, aux Etats les plus performants, en s’inspirant de leurs pratiques, de leurs expériences et de leurs idées, afin d’améliorer ses propres performances. Technique souvent soutenue par la Commission dans les domaines où elle n’a qu’une compétence de coordination ou d’appui, le benchmarking s’est souvent révélé utile pour pousser les Etats à coopérer davantage et à respecter des engagements non contraignants, notamment lorsqu’elle s’accompagne d’une stratégie de « naming and shaming », c'est-à-dire de divulgation des performances des différents Etats, afin de mettre en évidence les bons et les mauvais élèves.
Le processus de Bologne prend son nom de la ville italienne où 29 pays européens se sont rencontrés, en 1999, dans un cadre intergouvernemental (donc en dehors des institutions communautaires), afin de jeter les bases d’un rapprochement de leurs systèmes d’éducation supérieure, en donnant ainsi suite à la Déclaration signée par les Ministres compétents de France, d'Italie, d'Allemagne et du Royaume-Uni l’année précédente, à l’occasion du 800ème anniversaire de la Sorbonne.
D’abord portant seulement sur les deux premiers cycles de l’enseignement supérieur, le processus de Bologne a ensuite intégré le doctorat, vu comme l’anneau de conjonction entre l’enseignement et la recherche, considérés, dans la philosophie « continentale » (en opposition à la vision anglo-saxonne), comme les deux missions fondamentales de l’Université, qui sont étroitement interdépendantes.
Les conclusions de la conférence de Berlin sur le processus de Bologne en septembre 2003 ont ainsi fait référence à l'importance de la recherche comme partie intégrante de l'enseignement supérieur en Europe.
La synergie entre ces deux processus pourrait donc ouvrir de nouvelles perspectives dans le développement d’un espace européen de la recherche, avec la création et le renforcement de réseaux de doctorants et donc, à terme, une plus grande implication des jeunes chercheurs, déjà éduqués à une véritable dimension européenne de la recherche.
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Pour aller plus loin |
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synthèses de la législation de l'UE |
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communication "Vers un espace européen de la recherche" |
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adoption du 7ème PCRD |
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7ème PCRD |