La dissidence, quel passé pour quel avenir ?

Par admin | 1 octobre 2009

Pour citer cet article : admin, “La dissidence, quel passé pour quel avenir ?”, Nouvelle Europe [en ligne], Jeudi 1 octobre 2009, http://www.nouvelle-europe.eu/node/703, consulté le 26 mars 2023

ahailinthemist.jpgLes noms viennent nombreux à l'esprit : Soljenitsyne, Sakharov, Walesa, Meri, Geremek, Havel, Landsbergis et tant d'autres. Au plus proche de l'étymologie du mot « dissident », ils ont refusé de rester assis.

L'Europe est immensément redevable à cette poignée d'esprits proprement européens qui en furent la conscience, surveillée, emprisonnée, mais toujours debout. Beaucoup furent écrivains comme Havel ou Soljenitsyne, musiciens comme Landsbergis, cinéastes comme Meri, auteurs de grands chefs-d'œuvre du XXe siècle. Tous furent les témoins d'une Europe cosmopolite, polyglotte, parfois perdue de notre côté du Mur. Ils furent aussi les témoins que les valeurs européennes du courage et de la liberté étaient partagées par tout le continent, même dans sa moitié opprimée. Et ces valeurs ont été parfois affirmées jusqu'aux portes de la mort. Dans les célébrations de 1989, le Mur reste central. Pourtant, 20 ans après sa chute, il nous appartient certainement d'avoir une pensée pour tous ces hommes et ces femmes, connus ou inconnus, qui luttèrent sans relâche, sans espoir de voir leur rêve réalisé.

Et pour ceux qui ont eu la chance de vivre dans une Europe libérée des séquelles de la Seconde Guerre mondiale, rappelons-nous qu'ils n'en ont pas toujours été pleinement comblés. Dans son discours de 1978 à Harvard, Soljenitsyne en a donné la version la plus cinglante : « Le déclin du courage est peut-être le trait le plus saillant de l'Ouest aujourd'hui pour un observateur extérieur. Le monde occidental a perdu son courage civique, à la fois dans son ensemble et singulièrement, dans chaque pays, dans chaque gouvernement, dans chaque pays, et bien sûr, aux Nations unies ». Et cette déception s'est traduite pour les anciens dissidents dans une sorte d'inadaptation à la culture de compromis de la démocratie. Ils furent nombreux à occuper une place de choix dans les gouvernements de transition, mais ils se montrèrent souvent incapables de s'y maintenir. Lennart Meri fut probablement le seul, en Estonie, à pouvoir se tenir au dessus de la mêlée. Pour les autres, l'Europe en construction fut le lieu du refuge, le réservoir d'utopie pour lequel il paraissait important de rester debout, encore.

Geremek hier ou Landsbergis aujourd'hui restent des figures marquantes du Parlement européen. Quel message ont-il porté pour l'Europe ? Avant tout que nous n'étions forts que quand nous étions unis, et que le combat pour les valeurs n'est jamais négociable. Ils ont remis l'individu au cœur de la société, tout comme il devrait être au cœur de la société européenne. Aujourd'hui, ils nous quittent les uns après les autres sans avoir vu leur rêve européen devenir réalité. Ils ont été le relais du souffle européen après la disparition des pères fondateurs et il faudra bien que d'autres prennent leur place. L'Europe manque probablement de dissidents. De « dissidents européens » autoproclamés comme le Président tchèque Klaus, qui questionnent le bien fondé de notre projet tel qu'il est mené aujourd'hui. Et de « dissidents européens » qui, dans l'autre sens, se fassent les avocats d'une Europe plus unie qui ne soit pas totalement renationalisée par sa reprise en main par les États, mais soit véritablement le fruit des individus unis par des valeurs et un projet. Havel écrivait « l'indépendance, ce n'est pas un état des choses, c'est un devoir », voilà de quoi penser pour l'Europe vingt ans plus tard.

Dans le dossier :

 

Illustration : Kacper (tow.zwierz). A Hail in the Mist , Février 20, 2006