

La Croatie est tout proche de l'Union européenne : elle a franchi une à une les différentes étapes la menant vers l'adhésion. Les progrès de la négociation ont pourtant été très faible en décembre dernier : la Slovénie voisine, qui lors de sa Présidence du Conseil de l'Union européenne au premier semestre 2008 avait pourtant fait des Balkans une priorité de l'UE, s'y est opposée. En cause : un différend sur la détermination de leur frontière.
Les étapes de la candidature croate à l’UE
Lors du Conseil européen du 17 juin 2004, le statut d’Etat candidat a officiellement été reconnu à la Croatie. Les négociations ont été ouvertes le 3 octobre 2005.
Une fois les négociations d’adhésion ouvertes, elles se déroulent en deux temps. La phase préparatoire, également appelée "criblage" consiste à décrire et préciser à l’Etat candidat chacun des 35 chapitres thématiques de la négociation. Selon l’importance et le nombre des problèmes identifiés, les États membres soit autorisent l’ouverture des négociations sur le chapitre, soit posent, sur proposition de la Commission, des critères de référence que l’État candidat devra respecter avant que la négociation sur le chapitre en question ne commence. Les conditions établies sont liées au thème du chapitre, par exemple, les droits syndicaux doivent être respectés avant que le chapitre relatif à la politique sociale et à l'emploi ne soit ouvert, comme cela a été demandé à la Turquie.
Une fois cette phase achevée pour chacun des chapitres de négociation, les négociations d’adhésion proprement dites peuvent débuter. Elles ont lieu dans le cadre de conférences intergouvernementales (CIG) entre tous les États membres de l’UE et l’État candidat. Les négociations portent sur les chapitres ouverts à la suite de l'examen des rapports de criblage. Le rapport de criblage de la candidature croate a été achevé le 18 octobre 2006.
Lors de la CIG, l’État candidat présente sa position sur le chapitre, qui pour l’essentiel consiste à indiquer les demandes de périodes transitoires pour l’application dans sa totalité de l’acquis communautaire.
L’avancée des négociations de la Croatie
Pourtant le 19 décembre dernier, lors de la dernière CIG qui s'est tenue entre l’UE et la Croatie, sur les dix chapitres dont l'ouverture était planifiée, un seul a en définitive été ouvert (chapitre « marchés publics ») et sur les quatre chapitres qui auraient dû être fermés, trois l’ont été (droit de propriété intellectuelle, société de l’information, société de l’information, Union économique et monétaire). Sur les 35 chapitres que comptent les négociations d’adhésion à l’UE, sept ont été provisoirement bouclés pour la Croatie.
En effet, les décisions en matière d’adhésion à l’UE se décide à l’unanimité des membres. Or l’un des 27, la Slovénie, a posé le 19 décembre son veto à l’ouverture de ces nouveaux chapitres. En cause, un problème bilatéral qui remonte à l'indépendance des deux États, déclarée le 25 juin 1991 : la délimitation de leurs frontières terrestres et surtout maritimes.
Les autorités slovènes contestent vigoureusement les documents sur le tracé de la frontière présentés par la partie croate à Bruxelles. Considérant que ces documents "pourraient préjuger du tracé de la frontière commune" (Borut Pahor, Premier ministre slovène, 17 décembre 2008), la Slovénie a préféré empêcher une avancée sensible des négociations en décembre dernier. Les Croates ont pourtant dans une déclaration unilatérale assuré que les documents qu'ils présentent ne pourront préjuger du tracé de la frontière.
Arbitrage juridique international et négociations d'adhésion à l'Union européenne

Après l’éclatement de l’ex-Yougoslavie, la détermination des frontières entre les nouveaux États s’est faite selon le principe, déterminé par la commission Badinter, que les nouvelles frontières devaient respecter les précédentes frontières administratives entre les républiques fédérées de la Yougoslavie socialiste. Or, l’espace maritime n’était alors pas divisé entre les six républiques fédérées.
Sans doute consciente qu’une application stricte du droit de la mer ne joue pas totalement en sa faveur, la Slovénie met en avant un droit dit historique à pouvoir accéder à la haute mer. En août 2007 (accord de Bled), les Premiers ministres slovène et croate s’étaient pourtant mis d’accord pour recourir à un arbitrage de la Cour internationale de justice. Une commission mixte a été mise en place dans ce sens. Il semble pourtant qu’elle ait tenue sa dernière réunion récemment, faute d’un accord.
Renonciation à l’arbitrage juridique international contre fin du veto aux négociations d’élargissement ? C’est afin d’éviter pareil marchandage que la Commission européenne a proposé la mise en place d’une commission de médiation. Pour l’Union européenne, il est en effet primordial que les négociations puissent se poursuivre sur des questions qui concernent l’acquis communautaire sans qu’elle n’intervienne directement dans ce différend bilatéral, avec le risque qu'un État membre n'appuie éventuellement une des deux parties.
Le 23 janvier dernier, la Commission européenne a ainsi annoncé avoir fait appel au médiateur international Martti Ahtisaari. L’ancien Président finlandais et prix Nobel de la paix 2008 serait à la tête d’un groupe d’experts internationaux de haut niveau, chargé de trouver une solution au différend frontalier croato-slovène.
L’approbation par le Parlement slovène ce 9 février 2009 de l'entrée de la Croatie et de l’Albanie dans l'Otan montre que les relations entre les deux États voisins arrivent cependant à surpasser les difficultés posées par cette question.
Pour conclure, ajoutons deux points, et pas des moindres, qui au-delà du déblocage de l'actuel veto slovène conditionnent l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne :
- Pleinement collaborer avec le Tribunal pénal international sur l'ex-Yougoslavie. Trois généraux croates sont actuellement jugé pour crimes de guerre durant une offensive menée en 1995 contre les rebelles serbes ;
- La ratification du Traité de Lisbonne doit, pour les autorités françaises, précéder l'adhésion de tout nouvel État membre à l'UE.
Pour aller plus loin :
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Sur Nouvelle Europe |
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Fiches-pays Slovénie et Croatie |
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L'UE carte en mains : L'Union européenne en 2009 |
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La politique d’élargissement : une des priorités slovènes |
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Balkans et Balkans occidentaux |
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Balkans occidentaux et Union européenne : les (nombreuses) étapes d’un lien particulier |
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Les eaux adriatiques en question pour l’intégration de la Croatie dans l’Union européenne |
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Le contentieux slovéno-croate de la Baie de Piran |
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Sur Internet |
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Entretien du ministre slovène des Affaires étrangères, Financiel Times Deutschland, 27 janvier 2009 (en allemand) |
Source carte : Ambassade de Croatie en France / Source photo : lac de Bled en Slovénie (www.slovenia.info) |