

En France lorsque l’on entend parler de la Pologne, on se contente de nommer les villes de Varsovie, Cracovie et éventuellement Gdańsk. Pourtant, il est une ville qui mériterait d’être bien plus connue pour son histoire vieille de plus de dix siècles et son âme authentiquement européenne : Wrocław. Cette ville au nom imprononçable se situe au sud-ouest de la Pologne et est la quatrième ville du pays du point de vue démographique. Mais c’est surtout une cité historique qui est devenue un véritable centre culturel et industriel au cœur de l’Europe.


En France lorsque l’on entend parler de la Pologne, on se contente de nommer les villes de Varsovie, Cracovie et éventuellement Gdańsk, lorsqu’il s’agit d’histoire contemporaine ou de Solidarność. Pourtant, il est une ville qui mériterait d’être bien plus connue pour son histoire vieille de plus de dix siècles et son âme authentiquement européenne : Wrocław. Cette ville au nom imprononçable (dire « vrotsouaf ») se situe au sud-ouest de la Pologne et est la quatrième ville du pays du point de vue démographique (plus de 630 000 habitants). Mais c’est surtout une cité historique qui est devenue un véritable centre culturel et industriel au cœur de l’Europe.
Wrocław est une ville bâtie en briques et en pierres de taille souvent très colorées. De grands parcs la ponctuent et plus d’une centaine de ponts chevauchent l’Oder pour relier une douzaine d’îles à la ville. Le lieu le plus magique reste la partie la plus ancienne de la ville, « Ostrów Tumski », une ancienne île rattachée à la terre ferme lorsqu’en 1810 un bras de l’Oder a été comblé. Essentiellement composée de bâtiments religieux, il y règne un calme mystique. À la tombée de la nuit, on peut même réussir à apercevoir l’allumeur de réverbères qui, en costume d’époque, enflamme la dizaine de réverbères à bec de gaz. Wroław n’en reste pas moins une ville moderne où l'on peut trouver tous les magasins des grandes marques occidentales et de grands centres commerciaux. De même un réseau de tramway, véritable fierté locale, la parcourt depuis plus d’un siècle. Toutefois c’est son multiculturalisme qui particularise le mieux Wrocław : sa situation géographique, son histoire, sa culture et son économie l’insèrent véritablement au cœur de l’Europe.
Une Histoire de l’Europe à elle seule
Wrocław est née au Moyen-âge sous le régime des Piast (premiers rois de Pologne 966-1370). Cependant au gré des modifications des frontières de l’État, Wrocław a changé régulièrement de souverain. Ainsi elle est devenue tchèque en 1335, autrichienne en 1527, puis enfin prussienne en 1741. Elle est finalement redevenue polonaise après la Seconde Guerre mondiale. Elle a d’ailleurs aussi changé de nom au cours de cette histoire mouvementée en passant de Wratislavia à l’origine, à Wrocław aujourd’hui en passant par Breslau depuis l’an mille.
Ces nombreuses influences sont notamment visibles dans son architecture et constituent la richesse de cette ville. Ainsi on peut admirer toute l’histoire de l’Europe en circulant dans le centre de Wrocław. Du Moyen-âge demeure la rue des anciennes boucheries, qui contrairement à beaucoup de celles que l’on peut encore trouver dans les villes médiévales de France et d’Europe, a la particularité d’avoir conservé ses grilles de chaque côté. Celles-ci servaient à séparer les habitants de la ville des bouchers, qui touchaient quotidiennement du sang et des cadavres d’animaux. Aujourd’hui les anciennes boutiques servent de galeries d’art.
De la période tchèque, il reste l’hôtel de ville essentiellement fait de briques, bien qu’il ait été remanié à différentes reprises. De la domination autrichienne, on peut admirer le superbe bâtiment de l’Université de style renaissance et notamment, à l’intérieur, la salle Léopoldine ornée de fresques et de sculptures représentants les sciences. Enfin, de la période prussienne subsiste l’immense « Jahrhunderthalle » (« Halle du centenaire » en français rebaptisé « Halle au peuple » [« Hala Ludowa »] durant la période socialiste), dont la charpente elle-même est un monument.
Le multiculturalisme de Wrocław est aussi marqué par le patrimoine hébraïque car une importante communauté judaïque y a habité et y a laissé sa marque. Ainsi dans le cimetière juif de 1856, aujourd’hui considéré comme un musée de l’art funéraire judaïque, on peut trouver les tombes d’écrivains, de peintres et de familles connues comme les Pringsheim, dont la fille a épousé Thomas Mann ou les Haber (Fritz Haber a reçu le prix Nobel de chimie en 1918 pour la synthèse de l'ammoniaque qui sert d’engrais et contribue à réduire la faim dans le monde. Ce prix Nobel lui est toutefois contesté car durant la Première Guerre mondiale, il a conçut des armes chimiques pour lesquelles il a été condamné pour crime contre l’humanité. Il est aussi le créateur du Zyklon B en tant que pesticide.).
Enfin, Wrocław est d’autant plus un carrefour historique européen qu’elle a su relever le défi posé après la Seconde Guerre mondiale : détruite à plus de la moitié et vidée presque intégralement de sa population allemande, elle s’est reconstruite grâce aux Polonais des confins orientaux, notamment ceux de Lwów (aujourd’hui Lviv, située à l’Ouest de l’Ukraine soit à environ 700km de Wrocław). Wrocław est ainsi devenue le lieu de refuge de la culture orientale polonaise comme le montrent la statue de l’écrivain dramaturge Aleksander Fredro (1793-1876) et la bibliothèque de l’Institut Ossoliński. Surtout Wrocław accueille le célèbre panorama de la bataille de Racławice réalisé par Jan Styka et Wojciech Kossak à la fin du XIX
e siècle (La bataille de Racławice est l’une des premières de l’insurrection polonaise menée par Tadeusz Kościuszko en 1794 contre l’invasion de la Russie impériale. Bien que victorieux lors de cette bataille, les Polonais durent rapidement se soumettre aux volontés de Catherine II qui décida le partage total de la Pologne en 1795 avec la Prusse et l’empire d’Autriche. La Pologne ne renaîtra qu’en 1918, soit 123 ans plus tard.) Ce tableau est donc une fierté polonaise car c’est à la fois un défi artistique (le panorama fait 15 x 114 mètres) et un monument de l’histoire polonaise par ce qu’il représente. Ce panorama a de plus une histoire propre car si Wrocław l’a reçu des Polonais orientaux, le pouvoir communiste refusait qu’il soit exposé et visible par le peuple. Finalement, lorsque le bâtiment qui devait accueillir le panorama a pu être construit au début des années 1980, ce fut considéré comme une véritable victoire des opposants au régime communiste.
Wrocław par son histoire est donc bien autant le produit de l’Europe occidentale par les influences autrichienne et prussienne que de l’Europe centrale et orientale par son histoire contemporaine (refuge de la culture polonaise orientale et influences soviétiques).
Une ville culturelle sans pareil
Cette histoire mouvementée a engendré un tissu social très diversifié qui fait aujourd’hui la force de la ville. Pourtant jusqu’à l’inondation de juillet 1997, il était rare d’entendre un habitant de Wrocław se dire « Wrocławien ». La conscience d’appartenance à cette ville est apparue lorsqu’elle s’est retrouvée sous les eaux. La solidarité entre les habitants s’est révélée massive et chacun a pris conscience qu’il tenait à cette ville, ce qui a permis un nettoyage efficace et une rénovation rapide de la ville.
Cette diversité sociale enrichit notamment la culture de la ville, déjà abondante. Dans le domaine universitaire tout d’abord, Wrocław joue de ses relations privilégiées avec les autres pays européens. En effet, son université a été fondée en 1702 par l’empereur autrichien Leopold Ier (la première université polonaise a été fondée à Cracovie en 1364) et s’est énormément développée depuis. Cette université propose ainsi depuis quelques années un master 2 professionnel intitulé « Métiers de l’Europe et de la coopération franco-polonaise » en collaboration avec l’IEP de Strasbourg. Wrocław est aussi le siège d’une école polytechnique fondée en 1910 sous le nom « Technische Hochschule Breslau » et dont le but est d’enseigner des matières scientifiques et techniques.
Sur le plan strictement culturel, la ville de Wrocław est particulièrement dynamique. Outre de nombreux festivals internationaux de théâtre, de films et de musique, on y trouve le célèbre théâtre Lalek (« de Marionnettes ») qui a permis à de nombreux comédiens polonais contemporains de se faire connaître dans tout le pays voire au-delà. L’académie des Beaux-Arts est aussi très prolifique, répandant à travers la ville de nombreuses statues qui s’insèrent parfaitement dans les rues telles celle d’une jeune femme assise jambes croisées dans un fauteuil sculpté, devant le Musée national, ou celles de pauvres voyageurs qui rentrent dans le sol d’un côté de la rue Świdnica devant le passage piéton pour en « ressortir » en face.
Dans le même style, la ville est parsemée de petits lutins en souvenir de la résistance au pouvoir communiste. En effet en 1981 Waldemar Frydrych y a créé le mouvement de protestation pacifiste « l’Alternative orange » (« Pomanrańczowa alternatywa »). Il avait pour but de défier la vérité imposée par l’État socialiste mais de manière pacifiste. Ainsi lors des « happenings », les étudiants ne revendiquaient rien ou éventuellement détournaient certains slogans patriotiques, ce qui avait pour principale conséquence la consternation des policiers et donc leur tolérance. S’inspirant des courants surréalistes, ils mettaient en scène sous différentes formes leurs mascottes, les lutins. Dès lors ces derniers sont devenus les symboles de la ville.
Depuis quelques années, on peut les trouver pêchant sur la rive de l’Oder, tentant de pousser une grosse boule dans le centre ville ou jouant sur les lampadaires... La culture se respire donc partout à Wrocław.
Une ville européenne dynamique
Ville très culturelle donc mais aussi véritable capitale politique et économique qui tire profit de ses liens avec l’Europe occidentale.
Centre politique tout d’abord car elle est la capitale de la voïévodie (région) de la Basse-Silésie. Celle-ci s’étend sur 20 000 km² et est l’une des plus densément peuplées avec 145 habitants au km² (contre 122 dans l’ensemble de la Pologne en 2007). Depuis les années 1990, Wrocław s’est jumelée avec le département de la Vienne et a développé pour la Basse-Silésie une coopération interrégionale avec l’Alsace. Wrocław est aussi jumelée avec une dizaine d’autres villes dont quatre dans des pays membres de l’Union européenne, notamment l’Allemagne avec laquelle elle entretient des relations privilégiées.
Ces jumelages ont probablement contribué au sentiment d’europhilie qui règne à Wrocław. Lors du référendum sur l’adhésion de la Pologne à l’UE (les 7 et 8 juin 2003), plus de 80% des habitants ont répondu favorablement et ce avec un taux de participation supérieur à la moyenne nationale (59% de participation dans l’ensemble de la Pologne).
Son maire, Rafał Dutkiewicz est un indépendant bien qu’il soit soutenu par les partis « Plateforme civique » («
Platforma Obywatelska » droite libérale, parti du chef du gouvernement, Donald Tusk) et « Droit et Justice » (« P
rawo i Prawiedliwość » droite conservatrice, parti du chef de l’État Lech Kaczyński). Il a été élu une première fois en 2002, puis reconduit à son poste dès le premier tour en 2006.
Wrocław est aussi une capitale économique. Depuis le XIXe siècle, elle s’est développée dans le secteur secondaire en commençant par l’extraction minière, puis dans l’industrie textile, chimique, lourde et de consommation. Elle a cependant eu beaucoup de difficultés pour se relever de la Seconde Guerre mondiale. Il faut préciser qu’elle y a perdu plus des deux tiers de sa population (elle est passée de 629 000 à 171 000 habitants). De plus, dans les premières années d’après-guerre, la ville a d’abord été démontée brique après brique afin de les envoyer à Varsovie dans le cadre de l'action "Toute la Nation reconstruit sa capitale" mais aussi dans le but d’effacer toute trace de la présence allemande (Dans ces mêmes années, l’intégralité des rues a notamment été rebaptisée en polonais). C’est à partir de 1956 que la ville a retrouvé son dynamisme, un peu forcée par sa forte croissance démographique et aidée par le dégel politique. Wrocław a cependant été exclue du programme strictement socialiste qui l’aurait enfermée dans une industrie lourde.
Ainsi en 1989, Wrocław dispose d’une industrie variée qui lui permet de réussir sa transformation économique. Dans les années 1990, elle a aussi su profiter de sa situation géographique entre l’Europe occidentale et l’Europe centrale pour attirer de grands groupes industriels ou bancaires mondiaux comme LG, Hewlett-Packard, Bosch, Volvo, Toyota, Volkswagen, Crédit Agricole, Allied Irisch Banks. Son taux de chômage reste cependant légèrement supérieur à celui de la Pologne avec 8,1% de sa population active contre 6,8% dans l’ensemble du pays.
Wrocław profite également des aides européennes depuis l’adhésion du pays à l’UE, notamment pour la rénovation de certains de ses monuments, la modernisation de ses infrastructures et le développement d’aides sociales.
En vue du championnat d’Europe de football qui aura lieu en 2012 en Pologne et en Ukraine, Wrocław va s’équiper d’un nouveau stade. Alors que de nombreuses villes ont des difficultés à réaliser ces infrastructures sportives, Wrocław semble de son côté parfaitement dans les temps, montrant ainsi son dynamisme économique et sa réactivité politique.
Wrocław est donc une belle métropole qui tient une véritable place dans l’histoire européenne et où la culture se respire partout. Elle joue aussi un rôle prépondérant dans le développement économique et politique de la Pologne. Wrocław n’a donc pas fini de faire parler d’elle, notamment en France où un jeune auteur de romans policiers, Marek Krajewski vient tout récemment d’être traduit. Les fantômes de Breslau vous plongera dans l’ambiance polono-allemande du Wrocław de l’entre-deux-guerres.
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