Le chemin vers la réconciliation européenne

Par Philippe Perchoc | 30 juin 2010

Pour citer cet article : Philippe Perchoc, “Le chemin vers la réconciliation européenne”, Nouvelle Europe [en ligne], Mercredi 30 juin 2010, http://www.nouvelle-europe.eu/node/898, consulté le 26 mars 2023

La Pologne a toujours considéré son histoire comme exemplaire. Le "Christ des Nations" pourrait pourtant porter une autre dimension que celle de la souffrance, celle de la réconciliation. 

On connait la force du discours sur la réconciliation franco-allemande, parfois tourné en dérision aujourd'hui, mais à tort. En effet, la conclusion non seulement de la paix, mais aussi d'un dialogue approfondi entre la France et l'Allemagne a joué un rôle clef dans la stabilisation du continent tout entier. Peut-on considérer aujourd'hui que la Russie et la Pologne, les deux puissances de l'Est, sont sur le même chemin ? C'est possible. 

Certains se questionnent sur les réelles motivations de la Russie. Moscou a changé radicalement de discours depuis un an. Le drame aérien de Katyn n'a été qu'une confirmation de ce tournant. Plusieurs raisons pourraient être avancées. Tout d'abord, il est bien possible que ce rapprochement mémoriel soit le résultat d'une politique russe qui vise à lever les verrous d'une coopération européenne plus approfondie. Depuis 2004, la Pologne a souvent bloqué la conclusion d'accords entre Bruxelles et Moscou. Des gestes de bonne volonté historique sont fondamentaux pour détendre les relations entre les deux pays et l'invitation même de Donald Tusk en avril par Vladimir Poutine à Katyn en est l'exemple, 70 ans après le drame. 

Par ailleurs, cette nouvelle politique russe vise aussi peut-être à restaurer un dialogue direct avec Varsovie pour s'assurer d'une attitude plus pragmatique en Pologne vis-à-vis de l'Ukraine et de la Géorgie. Au moment où les liens entre Kiev et Moscou se resserrent de manière puissante après l'élection du Président Ianoukovitch et le renouvellement des accords sur la base navale russe de Sébastopol, il est clair que Moscou entend avoir les mains libres dans l'espace post-soviétique. La signature d'accords énergétiques importants entre la Pologne et la Russie dans ce contexte marquent peut-être le retour du pragmatisme, notamment économique, dans les relations polono-russes.

On remarquera que si la Russie reconnaît le rôle joué par l'URSS dans le massacre de Katyn, en vertu du Pacte Molotov-Ribbentrop, elle est loin de reconnaître que le même pacte a engendré l'occupation illégale des États baltes. On a donc bien là un indicateur du poids des considérations stratégiques dans le choix de Moscou. Tallinn, Riga et Vilnius ont moins à offrir que Varsovie en termes économiques. Un autre pays totalement absent de ce débat, le Belarus, peut aussi conduire à se poser des questions.

Mais on ne peut pas expliquer le revirement de Moscou uniquement par des choix tactiques, même si ils entrent forcément en ligne de compte. Il est clair que Dimitry Medvedev et Vladimir Poutine ont été sincèrement touchés par la catastrophe de Katyn. On se souviendra de l'image du Premier ministre russe serrant le Premier ministre polonais d'un bras fraternel dans l'adversité. La déclaration d'un jour de deuil national, la projection du film Katyn de Wajda à la télévision russe, suivie d'un débat entre historiens sont les signes d'une authentique émotion russe.

Dans la réconciliation franco-allemande, les industriels ont joué un rôle fondamental. Dans la réconciliation polono-russe, les motifs économiques ou politiques ne seront pas absents. Ce qui importe le plus reste néanmoins le résultat : le rapprochement de Varsovie et de Moscou permettra à l'une des dernières grandes fractures symboliques et mémorielles du continent de commencer à disparaître. La réunion, la semaine dernière, des Ministres français, allemand, polonais et russe des Affaires étrangères a montré que le chemin vers la réunification du continent est peut-être ouvert. 

 

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Source photo : Poland Mourns, par DTP David Thompson Photography's, sur flickr