La mer de Barents, prochain Eldorado gazier?

Par Philippe Perchoc | 31 octobre 2006

Pour citer cet article : Philippe Perchoc, “La mer de Barents, prochain Eldorado gazier?”, Nouvelle Europe [en ligne], Mardi 31 octobre 2006, http://www.nouvelle-europe.eu/node/33, consulté le 26 mars 2023

 On a beaucoup parlé ces derniers temps des conflits gaziers en Europe et notamment du rôle que pouvait jouer la Russie dans ceux-ci. Mais celle-ci n'est pas le seul partenaire stratégique de l'Union dans ce domaine.

 

Deux partenaires stratégiques 

La Norvège et la Russie sont les principaux fournisseurs d'énergie de l'Europe, pourtant ni l'une ni l'autre n'en sont membres.
 
La Norvège est un partenaire stratégique ancien de l'Union européenne, elle a même tenté d'y adhérer mais cette perspective a été repoussée deux fois par réferundum (1971 et 1994). Elle partage un certain nombre de coopérations importantes avec elle: l'EEE depuis 1992 (Espace Economique Européen qui permet la libre circulation des personnes, des services, des capitaux et des marchandises) et l'espace Schengen depuis 2001. La Norvège participe d'ailleurs à l'OTAN comme la majorité des membres de l'UE.

Riche de ses ressources naturelles, le royaume fournit 13% du gaz et 16% du pétrole consommés dans l'Union européenne. Les Européens ont l'habitude de négocier son énergie à la paisible puissance nordique depuis déjà plus de cinquante ans.

La Russie est un partenaire plus délicat. Elle entend faire de ses ressources énergétiques et de la dépendance européenne à son égard (24% du gaz et 27% du pétrole) un moyen de pression pour retrouver une place centrale sur l'échiquier mondial. Pour cela, elle tente de prendre le contrôle tant des ressources que des moyens de distribution. Pourtant, elle a cruellement besoin d'investissements pour pouvoir rationnaliser l'exploitation de ses gisements et la rentabilité de ses ventes.

L'entente des fournisseurs

C'est pour cela que les deux géants européens de l'énergie s'associent: exploiter ensemble et de manière rationelle les immenses gisements de la mer de Barents (qui pourraient, selon les experts, représenter plus du quart des ressources mondiales inconnues, principalement situées en Russie). Les deux pays se disputent depuis déjà 30 ans sur la question de leur frontière maritime mais ont besoin l'un de l'autre pour exploiter, selon leurs intérêts respectifs, l'immense trésor qu'ils partagent.

Les Russes ont besoin d'investissements, ce que sont prêts à apporter les Norvégiens. Ceux-ci veulent aussi porter l'accent sur la protection de la nature, le partage du produit de l'exploitation avec les populations locales, la préservation du mode de vie des Lapons, ainsi que l'écologie et le développement durable. Toutes choses que les Russes n'ont pas l'habitude de placer en tête de liste de leurs priorités.

Les Norvégiens estiment que l'adoption par les Russes, dans leur exploitation conjointe, des normes économiques, sociales et environnementales nordiques serait un pas important pour leur permettre de s'aligner sur les standards européens. Les diplomates norvégiens espèrent que leur action permettra de faire de la mer de Barents, une véritable "mer de la paix". Voilà un autre aspect, plus rassurant, de cette bataille du gaz qui se profile.

Pour aller plus loin

A lire:

  • intervention du Ministre norvégien des affaires étrangères au colloque "Le Grand Nord:problématiques géopolitiques et de sécurité" organisé à Paris le 24 novembre 2005
  • Pétrole et gaz norvégiens à l'aube du XXIe siècle, un article de Jan Hagland publié par le Ministère des Affaires étrangères norvégien
  • Une étude de Viviane du Castel pour l'IFRI 
  • Par ailleurs, cette entente russe et norvégienne a connu des rebondissements ces dernières semaines à cause des débats sur le gisement Chtokman. Quels partenaires Gazprom pourrait choisir pour exploiter cet énorme gisement? La question enflamme les pétroliers et gaziers européens.

              - sur le site Géostratégie

              - sur Ria Novosti : l'agence de presse russe

              - un article dans Libération

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