
La Bulgarie a été jusqu'à présent moins affectée par la crise financière de 2008 si on la compare aux autres pays de l'Union européenne. Beaucoup de pays de l'Europe de l'Est, parmi lesquels la Hongrie, l'Ukraine, le Belarus et la Lettonie, ont même été obligés de recourir au FMI qui leur a accordé des prêts d'urgence. Aujourd'hui, la crise se fait sentir et le gouvernement semble n'avoir qu'une réponse : la rigueur.
Jusqu'à présent la Bulgarie était mieux préparée en raison de son faible endettement public et des réserves budgétaires, mais aussi en raison de la présence d'une Caisse d'émission monétaire qui établit un taux de change fixe avec l'euro et garantit la stabilité macroéconomique. La monnaie bulgare est donc stable et forte. D'autre part, le secteur bancaire s'est limité à son rôle traditionnel tout en menant une politique conservatrice d'octroi de crédits, il a été par conséquent moins susceptible d'être touché par la crise.
Pourtant, début 2009, les effets de la crise financière ont commencé à se faire sentir dans l'économie réelle. Tout d'abord, le commerce extérieur a été affecté par la baisse de commandes. La plupart des partenaires commerciaux de la Bulgarie se trouvent en Europe et étant eux-mêmes touchés par la crise, cela a entraîné la baisse de la demande de produits bulgares. Par conséquent, de nombreuses entreprises ont été obligées de réduire au strict minimum leur production, certaines ont même fait faillite. Le chômage est reparti à la hausse, 7,1% au premier semestre de 2009, alors qu'en 2008 la Bulgarie avait connu son taux de chômage le plus bas depuis 1990, soit 6,3% de la population active.
La forte baisse des investissements directs est un autre effet de la crise financière en Bulgarie. Ils ont baissé de près de 40% en 2009 : alors qu'en janvier 2009, ils représentaient 1,9% du PIB, en janvier 2010 ils ne sont plus que 0,2% du PIB. Or, la croissance bulgare est financée en grande partie par des capitaux étrangers.
Des facteurs internes favorisant la crise
Selon le professeur Garabed Minassian, économiste expert à l'Académie bulgare des sciences, il existe des facteurs intérieurs, indépendants du contexte économique mondial, qui pourraient expliquer la situation de crise économique en Bulgarie. Il s'agit de l'inefficacité administrative et institutionnelle, propice au développement de pratique de corruption et de spéculation sur le marché immobilier, du bâtiment ou du tourisme. Selon lui, seules des réformes pour améliorer l'efficacité administrative des institutions bulgares mettront fin à ces pratiques. Ce problème a été à maintes reprises évoqué dans les rapports réguliers de la Commission européenne sur les progrès de la Bulgarie. Selon la Commission, c'est le principal obstacle pour une meilleure absorption des fonds européens. Or, une meilleure absorption des fonds européens pourraient atténuer partiellement les effets de la crise en Bulgarie.
Quelles perspectives pour 2010 ?
Les perspectives pour 2010 ne sont pas encourageantes. Alors que des signes de reprise économique apparaissent dans certains pays, le pire de la crise en Bulgarie est à venir. Pendant le premier trimestre de 2010, la situation économique s'est aggravée. Les causes se trouvent dans la baisse continue de la demande interne, les faibles investissements, le ralentissement de la production industrielle ainsi que la raréfaction du crédit bancaire. Ainsi, la croissance économique, qui a baissé de près de 6% en 2009, ne dépassera pas 1,1% en 2010. Le chômage pourrait atteindre 14%. Ces derniers mois, le nombre de licenciements à diminué mais cela n'a pas été compensé par une hausse des recrutements. Les secteurs les plus touchés par la hausse du chômage sont le bâtiment, le transport et le commerce.
Le gouvernement bulgare a-t-il un plan de sortie de crise ?
Tandis que les gouvernements des autres pays européens adoptaient des mesures d'urgences pour relancer leurs économies, le gouvernement bulgare n'a pratiquement pas réagi.
Avant les élections législatives en juillet 2009, les mesures pour pallier les effets de la crise adoptées par le gouvernement Stanishev se sont limitées aux dépenses déjà prévues dans le budget. Un programme d'investissements publics dans les infrastructures était prévu mais qui n'a pas pu être réalisé à cause des problèmes de corruption.
Les élections législatives de juillet 2009 ont été remportées par le parti du centre droit GERB (Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie). Son leader Boiko Borrissov forme un nouveau gouvernement qui décide de privilégier la rigueur budgétaire afin de réaliser son objectif prioritaire, à savoir l'adoption par la Bulgarie de la monnaie unique. L'accord politique de rejoindre la zone euro est conditionné par l'exigence envers la Bulgarie de garder des finances publiques stables (faible déficit budgétaire et faible endettement public). Mais cette rigueur budgétaire coûte très cher à l'économie bulgare compte tenu des chiffres concernant la croissance et le chômage.
De nombreux économistes bulgares et la classe politique bulgare s'accordent pour dire que le gouvernement ne doit plus attendre pour prendre des mesures de relance. Selon eux, il faut suivre l'exemple des pays occidentaux et adopter un plan d'investissements publics dans certains domaines prioritaires comme les énergies vertes ou l'infrastructure.
Le gouvernement doit aussi rechercher des solutions de long terme afin de rendre l'économie bulgare plus compétitive. Pour ce faire, il doit engager les réformes structurelles recommandées depuis longtemps par la Commission européenne, à savoir la réduction de la corruption, l'amélioration de l'efficacité administrative et de l'environnement économique, la mise en place de réformes dans le secteur de la santé, de l'éducation et de l'emploi.
Il y a quelques jours, les médias bulgares annonçaient l'adoption par le gouvernement d'un paquet de 29 mesures visant à réduire le déficit budgétaire. Ce plan a provoqué de vives critiques de la part de l'opposition et des syndicats. Il prévoit des mesures très controversées dont l'objectif était de faire payer au plus démunis les conséquences de la crise : taxer les pensions de retraite dépassant un certain seuil, réduire de 10% les salaires dans le secteur public, imposer un congé obligatoire et non rémunéré pour tous les fonctionnaires, réduire le congé de maternité de 410 à 225 jours.
Face au tollé de l'opposition et aux menaces des syndicats d'organiser des protestations comme celles en Grèce, le gouvernement a publié mercredi 17 mars un communiqué de presse précisant que ce paquet de mesures n'est pas celui préparé par le Ministère des finances et que dans les prochains jours il allait publier un plan de sortie de crise. Cependant, selon des sources non officielles, ces mesures ont été bel et bien discutées au Ministère des finances sans qu'une décision définitive ne soit prise.
Pour aller plus loin
Sur Internet
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Portail du journal en ligne dnevnik.bg (en bulgare)
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Ministère des Finances bulgare
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Banque centrale bulgare
Source photo : Untitled par krassiu