Karélie : les bons comptes ne font pas les bons amis

Par Philippe Perchoc | 24 août 2007

Pour citer cet article : Philippe Perchoc, “Karélie : les bons comptes ne font pas les bons amis”, Nouvelle Europe [en ligne], Vendredi 24 août 2007, http://www.nouvelle-europe.eu/node/252, consulté le 26 mars 2023

La Karélie a été cédée par la Finlande à la Russie à l'issue de la Seconde Guerre Mondiale. Depuis quelques années, une rumeur persistante veut qu'Eltsine ait proposé au gouvernement finlandais de la racheter : depuis une semaine, la controverse a pris de l'ampleur.

En effet, un journal finlandais, le Kainuun Sanomat, a jeté un pavé dans la mare en publiant officiellement l'information qui circulait depuis des années au sein de l'establishment du pays des rennes. 

La situation de la Russie en décembre / janvier 1991 était catastrophique. Les accords de Belovezha entre les Républiques de Russie, de Biélorussie et d'Ukraine avaient mis fin à l'URSS. Gorbatchev était isolé au Kremlin, dernier lieu d'effectivité de son pouvoir. Le drapeau soviétique y fut bientôt remplacé par celui d'une Fédération de Russie qui devenait le légataire universel d'une URSS défunte : un siège à l'ONU et l'armement nucléaire, certes, mais aussi une dette incroyablement pesante. C'est dans ce climat de déroute financière totale que l'idée serait venue de revendre la Karélie à la Finlande. 

Selon l'article qui fait tant de bruit, le gouvernement finlandais de Mauno Koivisto créa alors un groupe de travail pour évaluer le coût d'un rachat de la région perdue. Le prix initial aurait été fixé à 13 milliards d'euros avant d'être revu à plus de 70 milliards. Le gouvernement aurait finalement répondu en 1992 "qu'il ne pouvait se permettre la Karélie".

200px-karelia_today En effet, des débats ont secoué la Finlande à cette époque sans que personne ne sache qu'une offre était vraiment sur la table. Certains soulignaient que la perte de 10% du territoire avait engendré 400 000 réfugiés en 1945 et qu'il n'était pas question de retenter l'aventure une seconde fois ; c'était notamment la position des associations de réfugiés. Par ailleurs, les considérations stratégiques, à une époque où le futur de la Russie était très incertain ont conduit à cette décision raisonnable.

Aujourd'hui, l'ensemble de la classe politique finlandaise dénie les faits. Tout comme du côté russe, où certains pensent à porter plainte contre le journal à l'origine de ce débat.

En tous cas, ces débats peuvent en rappeler deux autres. 

Le premier, plus circonscrit, est l'éternelle discussion d'une Finlande sortie de la Guerre Froide. Pendant plus de cinquante ans, le phénomène qui fut appelé la "finlandisation" ou la neutralité quasi-obligatoire d'une Finlande aux portes de l'URSS et obligée de composer une partition entre Est et Ouest, a évacué le débat des alliances. Aujourd'hui, alors que la Russie tend à reprendre une politique ambitieuse dans la région, l'option d'une entrée dans l'OTAN soutenue par certains refait surface. Il est néanmoins difficile de saisir si le débat est "gelé" parce que la Finlande a du mal à prendre compte de sa nouvelle liberté et reste engourdie par les habitudes du passé ou si elle fait de sa neutralité une politique militante et réaffirmée pour l'avenir.

Le second débat que pose la question karélienne est celui des frontières. On constate à cette occasion à quel point les frontières orientales de l'Union sont mobiles, sujettes aux aléas de l'histoire alors que la Guerre Froide avait réglé momentanément la question. 

 

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image 2: wikipedia