Pour citer cet article : admin, “Huit présidents pour le futur de l'Europe à Riga”, Nouvelle Europe [en ligne], Dimanche 15 avril 2007, http://www.nouvelle-europe.eu/node/167, consulté le 02 avril 2023


Leur réunion a été suivie par une assez longue conférence où chacun s'est prêté au jeu des questions.
Le 10 et 11 avril s'est réuni à Riga le groupe d'Arraiolos. Ce groupe, composé de 8 chefs d'Etats européens, a été lancé par le président portugais Jorge Sampaio en 2003 dans le village d Arraiolos. Il se réunit depuis annuellement et faisait cette année étape à Riga autour de la présidente lettone sur le départ, Vaira Vike Freiberga.
Leur réunion a été suivie par une assez longue conférence où chacun s'est prêté au jeu des questions.

De gauche à droite, les président polonais (Lech Kaczyński), hongrois (László Sólyom), allemand (Horst Köhler), lettone (Vaira Vike Freiberga), italien (Giorgio Napolitano), autrichien (Heinz Fischer), portugais (Aníbal Cavaco Silva) et finlandais (Tarja Halonen) ont répondu en anglais, sauf pour Lech Kaczyński, aux questions d'un public peu nombreux et principalement composé de diplomates.
Zaneta Ozolina, qui préside la Commission d'Analyse Stratégique rattachée à la présidence lettone, a tenu à souligner que la date de 1957 n'avait pas la même signification pour tous les Européens : un certain nombre des pays représentés étaient derrière le rideau de fer lors de la signature des Traités de Rome et certains, comme la Pologne, se relevaient à peine de la terrible répression soviétique.
Rappelant quelles avaient été les valeurs qui ont présidé à la construction européenne, la Commission a proposé dans un document publié le jour de l'évènement de revenir à celles-ci pour relancer le moteur européen.
Zaneta Ozolina évoquait parmi les priorités pour une Europe plus forte la question de l'immigration: l'Europe a toujours été une terre d'immigration. Elle en a eu besoin et elle en aura besoin dans l'avenir. Les Lettons savent de quoi ils parlent : nombres d'entre eux partent pour d'autres pays de l'Union européenne pour y travailler mais aussi pour s'y installer. Ayant une économie en pleine expansion, le pays a besoin de faire venir des travailleurs tout en gardant à l'esprit que l'équilibre entre lettophones et russophones dans le pays reste l'une des questions-clefs de l'histoire lettone depuis 1991. Le pays se trouve donc confronté à une nécessité (faire venir des bras) et une exigence (éviter que tous ses bras parlent le russe !).
Sur ce sujet, le président portugais (Aníbal Cavaco Silva) a interpellé son homologue allemand (Horst Köhler) : "nous avons besoin de standards communs, d'un contrôle commun des frontières et d'une vraie application des règles". Car tous étaient d'accord sur le fait que l'immigration était nécessaire dans une perspective à long terme pour assurer la croissance européenne.
Rebondissant sur la question de l'emploi, le président allemand soulignait combien les Européens ont pris du retard dans l'Agenda de Lisbonne. Il ajoutait cependant que la construction européenne était une vraie "success story" et qu'elle avait relevé le continent de l'état de destruction qui était le sien après la Seconde Guerre mondiale. "Il faut néanmoins écrire un nouveau chapitre, aller de l'avant, promouvoir la recherche, créer de l'emploi. Les 3% du PIB européen devraient être un objectif mais aussi un impératif".
La présidente finlandaise n'a cessé de souligner l'importance de la recherche mais aussi de la formation primaire, ce sujet lui tenant vraiment à coeur. Pour elle, la réussite de la Finlande dans la recherche et l'innovation est particulièrement dépendante de l'excellence de son système scolaire, dès le plus jeune âge.
Elle a été rejointe sur ce sujet par Vaira Vike Freiberga (Lettonie) et Lech Kaczyński (Pologne) qui ont mis en avant la nécessité de l'éducation pour tous. La présidente lettone ajoutant, un brin amusée, "on ne sait jamais dans quelle famille naîtra le prochain Rembrandt". Elle suggéré avec humour que la jeunesse n'avait qu'un temps et que l'éducation tout au long de la vie devait aussi être au coeur des priorités européennes.
Importance de l'éducation mais aussi contenu de celle-ci ont occupé les présidents. László Sólyom (Hongrie) a été le premier à aborder la question d'une histoire commune des Européens à l'image de celle que les Français ont construite avec les Allemands. "Il nous faut une histoire consolidée de l'Europe qui soit enseignée dans tous les pays".
Lech Kaczyński s'est, lui, assez longuement penché sur la question de l'histoire et il a estimé que les jeunes avaient oublié d'où ils venaient : une Europe sans guerre pendant 60 ans est un évènement inouï dans l'histoire du continent. Pour lui, il ne faut pas se comparer aux Américains, les Européens ont leur propre modèle et leur propre réussite. "Quand j'étais enfant, je devais écouter deux fois par an à la radio le récit des réussites soviétiques. L'URSS était sensée avoir 15 ans d'avance sur les Etats-Unis !".
Par ailleurs, il estimait qu'un nouveau traité européen devrait faire une place à la question de l'éducation et à celle de sa "marchandisation" qui lui semblait très inquiétante. Toujours sur le thème de la réforme européenne, il a estimé qu'une vision fédéraliste de l'Europe portée par les jeunes ne doit pas oublier l'importance des nations. "Il est trop tôt pour parler d'un pays européen" : il n'y a pas de société civile européenne, pas de partis politiques réellement européens...
Giorgio Napolitano (Italie) ne partageait pas ce point de vue : selon lui, la Constitution européenne donnait les instruments d'un dialogue avec la société civile. Il est par ailleurs partisan d'une ouverture des processus de décision dans l'Union européenne et du respect des 18 pays qui ont dit oui. Il a été rejoint sur ce sujet par le président portugais (Aníbal Cavaco Silva) qui proposait que la Constitution soit révisée à la manière d'un autre traité fondateur comme l'Acte Unique Européen (1986) qui puisse intégrer les partenaires sociaux.
Le président italien, réagissant aux propos du président polonais sur une nécessaire ouverture à l'Ukraine, a rappelé que rien ne pourrait se faire sans de nouvelles règles de fonctionnement.
La Présidente lettone, en rappelant que la plupart des présidents européens n'ont pas de pouvoir exécutif, a souligné que le "ministère de la parole" était néanmoins l'un de leurs atouts importants, et Vaira Vike Freiberga savait de quoi elle parlait en évoquant le magistère moral des présidents. Et on peut dire qu'à Riga, ils ne s'en sont pas privé !
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Le Monde ne sait toujours pas que la capitale de la Lettonie est Riga et pas Tallinn |
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