

Symbole de la résistance polonaise au régime communiste, les chantiers de Gdansk qui ont vu naître Solidarnosc devront-il fermer pour enfreinte au droit de la concurrence? Les frères Kaczyński, qui ont fait leurs premiers pas en politique à Gdansk au sein de Solidarnosc ne l'entendent pas ainsi.
Un chantier pour construire une Pologne libre
En 1980, Anna Walentynowicz créa la première association indépendante, dans les chantiers de Gdansk. Cet acte révolutionnaire allait justement contre les principes de la Révolution marxiste-léniniste qui faisait du Parti Communiste la seule organisation légale. C'est pourquoi elle fut licenciée et perdit son droit à la retraite à seulement cinq mois de celle-ci. La grève qui suivit fut l'occasion pour Lech Walesa et Anna Walentynowicz de créer le premier syndicat libre : Solidarnosc.
Très vite, le mouvement se développe à travers toute la Pologne et dépasse les autorités communistes qui ne peuvent utiliser la manière forte pour faire éclater le mouvement. Elles sont donc contraintes à la négociations. Après le coup d'Etat du général Jaruzelski en 1981, le mouvement entre dans la clandestinité, aidé par la CIA et l'Eglise catholique. Il garde néanmoins son rôle de contestation et oblige en 1988 le régime à négocier avec lui. En 1989, son dirigeant historique Lech Walesa est élu Président de la République. Pourtant, Walesa n'est pas le seul ancien du mouvement de Gdansk à entrer en politique, les frères Kaczyński qui ont travaillé pour le syndicat comme conseillers s'engagent eux aussi, mais sur une ligne plus dure. Ils reprochent aux dirigeants de premier rang comme Walesa d'avoir négocié trop loin avec les Communistes et d'avoir transformé le compromis en compromission.
Avec le temps, le chantier est resté le lieu symbolique d'une étincelle, venue de ceux que le régime était censé représenter et qui ont refusé cette supercherie.
Aides d'Etat et aides de l'Etat
Le droit européen de la concurrence est très strict : les aides d'Etat permettant de soutenir une entreprise ne doivent pas pour autant fausser la concurrence en permettant à celle-ci de pratiquer du dumping (baisse artificielle des prix pour attirer les marchés). Pourtant, Varsovie a soutenu pendant des années les chantiers navals en crise : une enquête de 2005 a montré que les chantiers de Gdansk avaient bénéficié de plus d'1,3 milliards d'euros d'aides depuis l'entrée de la Pologne dans l'UE en mai 2004.
La Commission européenne lui avait donc laissé le choix de fermer deux tiers des chantiers de Gdansk ou bien de rembourser les aides perçues (ce qui aurait coulé l'entreprise). Le gouvernement polonais a annoncé qu'il ne fermerait qu'un tiers de l'entreprise (un dock sur trois) au lieu des deux demandés par Bruxelles. En effet, il annonce que les chantiers devraient être privatisés sous trois mois et vendus à des investisseurs italiens et ukrainiens qui se sont montrés intéressés.
Le gouvernement a prévenu : "nous pensons fermer un seul dock, sinon Gdansk ne sera plus qu'une petite affaire, pas un chantier naval". L'autre fermeture ne devrait pas être prévue avant que le nouvel investisseur ait pu construire un nouveau dock en eaux.
Ce nouveau bras de fer arrive dans un climat politique complexe en Pologne. Le gouvernement s'est séparé de ses deux alliés "Autodéfense" et "la ligue des familles polonaises" ces dernières semaines. Devenu minoritaire il a été contraint d'annoncer des élections législatives pour l'automne. Lâché de toute part, raidi sur sa position d'une "politique morale", on comprend que Gdansk apparaisse comme un symbole non-négociable.