
Business O Feminin a interviewé Mariliis Mets, ancienne membre de Nouvelle Europe, dans le cadre d'un dossier spécial consacré aux jeunes générations d'Européennes. Estonienne de 27 ans, Mariliis Mets est actuellement conseillère auprès du ministère de la Défense estonien.
1. Comment vous définiriez-vous ?
Active, curieuse, impatiente… Je n’aime pas faire les choses à moitié : quand il faut travailler, je ne compte pas les heures, mais quand il est temps de profiter des bons moments je n’hésite pas non plus. Pour moi il est important de faire ce qu’on aime, être entourée des gens qu’on apprécie, voyager, rire jusqu'aux larmes - se sentir vivante. Ce que je veux éviter, ce sont les regrets. On peut apprendre de nos erreurs mais pas de ce qu’on n’a pas fait.
2. Vous sentez-vous Européenne? Si oui, dans quel sens ? Si non, pourquoi ?
Oui, je me sens Européenne. En réalité, je me suis jamais posé la question du pourquoi et du comment. Cela a toujours été une évidence pour moi. La première fois que je suis partie vivre à l'étranger j'avais 17 ans, j’ai vécu dans plusieurs pays, j’ai des amis venant de pays différents… Chaque expérience ajoute « une pierre à l’édifice » et par conséquent je ne suis plus une « vraie » Estonienne. Je suis Européenne. La bonne nouvelle, c’est qu’on n’est pas obligé de choisir, on peut superposer plusieurs identités, prendre le meilleur de chaque expérience.
3. A quoi associez-vous l’Union européenne?
La liberté de voyager, de travailler et d’étudier dans n’importe quel Etat membre. La diversité culturelle. La tolérance. La protection des citoyens et des consommateurs.
4. Parlez-vous d’autres langues en dehors de votre langue maternelle ? Lesquelles ? Quelles autres langues européennes voudriez-vous apprendre et pourquoi ?
Je parle aussi le français et l’anglais et un peu de russe. J’aimerais encore apprendre l’espagnol parce que cette langue ouvre la porte à plusieurs pays et cultures qui m’attirent.
5. Vivriez-vous dans un autre Etat membre ? Le(s)quel(s) ? Et pourquoi ?
Je viens de retourner dans mon pays, en Estonie, il y a seulement quelques mois. J’ai passé presque sept ans à l’étranger, dont un an en Hongrie, à Budapest (année Erasmus), et le reste en France, à Dijon et à Paris (pour les études et ensuite pour le travail).
Je pense que je pourrais vivre dans n’importe quel pays. Pour le moment, je compte rester un peu en Estonie, pour « redécouvrir » mon pays, mais pourquoi pas Bruxelles dans quelques années ? L’idée de travailler là où on « fait l’Europe » au quotidien, au milieu de toute cette diversité culturelle, me tente. L’emplacement central de Bruxelles est également un atout, pour voyager facilement en Europe.
Une fois que l’on part, on n’arrive plus à rester longtemps dans un même endroit.
6. Comment voyez-vous l’Union européenne d’aujourd’hui? Dans le futur ?
Aujourd’hui l’Europe ne fait plus rêver. L’Union européenne est considérée comme quelque chose de lointain, complexe ou alors comme un bouc émissaire. La crise ne doit pas masquer non plus la responsabilité des Etats, de nos hommes politiques nationaux, qui ne ratent jamais une occasion de s’attribuer les succès et d’accuser l’Europe de tous les maux.
Si nous ne trouvons pas de nouveaux moteurs pour l’UE, comment « vendre » l’UE aux nouvelles générations, qui n’ont pas connu de guerres, qui ont toujours pu voyager librement partout et payer en euros, ce beau projet risque de s’essouffler.
L’Europe devrait être un vouloir vivre ensemble. Elle ne doit pas exister pour elle-même mais pour les peuples. On doit utiliser la crise pour en ressortir plus fort, pour faire avancer le projet européen.
7. Vos principales inquiétudes ?
Je suis triste de voir que pour beaucoup de personnes, l’Union européenne est synonyme de problèmes. De plus, la montée des nationalismes, de l’extrême droite, incite à la haine de l’autre, au conflit, et fragilise encore davantage l’UE. Oui, l’Europe est confrontée à des difficultés aujourd’hui mais au lieu de la résignation, voire pire – la satisfaction de la défaite de l’UE -, je voudrais voir plus de mouvements visant à donner un nouveau souffle à l’Europe, à rapprocher les citoyens de l’UE. Il y a encore un énorme potentiel à réaliser.
8. Comment décririez-vous la nouvelle génération de femmes (20-35 ans) dans votre pays?
C’est une génération entre deux époques : l’Estonie sous l’occupation soviétique et l’Estonie indépendante. D’un côté, nous avons l’impression que maintenant tout est possible, le monde est ouvert ; de l’autre, il a toujours fallu affronter la concurrence (génération du baby-boom), lutter pour trouver sa voie dans un monde en changement permanent. J’ai l’impression que cette génération de femmes doit trouver un nouvel équilibre, son propre équilibre, dans un nouveau monde. Ces femmes sont fortes, indépendantes, éduquées et elles essayent de concilier à la fois toutes les possibilités qui s’ouvrent à elles et les relations amoureuses, la famille, la simplicité. L'âge moyen du premier bébé pour une femme a reculé. Ces femmes sont exigeantes par rapport à elles-mêmes et aux autres (notamment les hommes).
9. Quel est votre sentiment à l’égard des problèmes d’égalité des sexes? Comment cela fonctionne-t-il dans votre pays ? Dans quelle mesure le problème est-il mis en exergue ?
Je travaille dans un milieu assez masculin et j’ai été confrontée à plusieurs reprises à des situations où l’on vous fait sentir inférieure, pas égale aux autres, parce que vous êtes une femme (et en plus jeune et d’Europe de l’Est !). Par conséquent je me sens personnellement concernée par la question de l’équilibre entre les sexes.
En Estonie, c’est une question d’actualité. L’Estonie a le plus grand écart salarial entre hommes et femmes (27,3% en 2011), la représentation des femmes aux postes de décision est très faible etc. Mais depuis un certain temps on prête plus d’attention à la question de l’équilibre entre les sexes ; tout récemment une campagne publique de sensibilisation a été lancée. Néanmoins, il s’agit seulement d’un début, les mentalités (et les pratiques) changent lentement.
C’est aussi aux femmes de prendre les choses en main : suivre sa voie, même si le travail en question « n’est pas pour les femmes », oser rêver, se faire respecter, demander ce qu’on vaut. Oui, la société doit aussi changer, mais si nous n’essayons pas de faire bouger les lignes, personne ne le fera pour nous.
10. Quelle femme européenne admirez-vous le plus et pourquoi ?
Par exemple Julia Laffranque (Estonienne) qui est juge à la Cour européenne des droits de l'homme. Elle est intelligente, forte. Elle est arrivée loin professionnellement. C’est une citoyenne (et Européenne) active qui participe à la vie de la société, tout en étant également active dans d’autres domaines, comme au théâtre ou en tant que mère de famille.
Pour Aller plus loin:
Sur Business O Feminin
Sur Nouvelle Europe
- Interview with Erna BURAI - Being European for the young generation of women in Hungary
- Interview with Martyna KOWOL - Being European for the young generation of women in Poland
- Interview with Mariliis METS - Being European for the young generation of women in Estonia (en français et an anglais)
- Interview with Charlotte NORLUND MATTHIESSEN - Being European for the young generation of women in Denmark
- Interview with Annamária TOTH - Being European for the young generation of women in Austria and Hungary
Sources photos: © Businessofeminin et © Mariliis Mets.