L'Europe verte

Par Claudia Louati | 11 janvier 2013

  

Les Pères fondateurs de l’Union européenne n’avaient pas prévu, dans le Traité de Rome, de compétences de la Communauté en matière environnementale. Celle-ci représente pourtant aujourd’hui un domaine clé pour l’action européenne : de quelques mesures timides et limitées relatives notamment au traitement des déchets, le corpus législatif touche aujourd’hui presque tous les domaines liés à l’environnement, de la protection de la biodiversité jusqu’à la réglementation des substances chimiques en passant par la conservation des ressources naturelles.

Les bases juridiques de l’action de l’UE en la matière se sont également élargies : si l’Acte Unique dote pour la première fois l'UE d'une compétence explicite en matière d’environnement, le Traité de Lisbonne va jusqu’à lui reconnaître une capacité de "promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l'environnement, et en particulier la lutte contre le changement climatique".

La politique environnementale apparaît donc comme un modèle d’intégration et la traduction effective du principe de « l’Europe à petits pas » de Jean Monnet. D’une compétence inexistante, les institutions européennes ont développé petit à petit un système de plus en plus intégré, qui fixe aujourd’hui à chaque Etat membre des objectifs précis et limite leur capacité à légiférer dans des domaines extrêmement variés. Pourquoi un tel essor ? Sans aucun doute, c’est la valeur ajoutée de l’action européenne dans le domaine environnemental qui a favorisé et accéléré le processus d’intégration. Il y a bien longtemps que les Européens ne croient plus aux frontières imaginaires qui stoppent les nuages radioactifs et qu’ils comprennent que la lutte contre un phénomène global appelle une réponse, sinon globale, tout du moins régionale.

Cependant, comme pour toutes les politiques pour lesquelles l’Union ne possède pas une compétence exclusive, la fragmentation du système européen et la sclérose institutionnelle générée par des débats interétatiques sans fin jette une ombre sur la « success story » de la politique environnementale européenne. Les débats incessants entre les Etats verts et moins verts diluent parfois les ambitions européennes et affaiblissent la position de l’UE sur la scène internationale. Pourtant, seule une voix forte et unie permettra de défendre les principes qui guident la politique environnementale européenne et de faire vaciller les positions des partenaires de l’UE les moins coopératifs.

Car au-delà de chiffres, de taux et de plafonds, c’est la défense d'un nouveau modèle européen qui se profile, fondé sur une « croissance durable » et un mode de vie en phase avec les considérations écologiques actuelles et futures. Si l'Europe ne fait plus rêver, si la crise a mis à mal le modèle européen de protection sociale, un moyen pour elle de retrouver un peu de son attrait serait peut-être de refonder son image sur la scène internationale et d'esquisser les contours d'un nouveau modèle économique et social, fondé sur le respect de l'Homme et la conscience de la limitation des ressources naturelles. ll ne s'agit pas bien sûr de virer vers l'extrémisme écologique et de devenir une société environnementalement paranoïaque, qui légifère à tout va et impose à ses industries des contraintes insupportables. Il s'agit au contraire d'amorcer une transition nécessaire vers une société plus équilibrée et un modèle économique qui prenne en compte et minimise l'impact de l'activité humaine sur notre environnement. En cela, l'Union européenne a un message à porter à ses partenaires mondiaux, et une valeur ajoutée incontestable.

Le but de ce dossier n'était pas de lister une par une les actions de l'UE en matière environnementale, la tâche serait bien sûr trop ambitieuse. Chacun des articles éclaire cependant un aspect particulier de l'action de la politique environnementale de l'UE, que ce soit d'un point de vue international, traité par Nikki Ikani et Willy Kokolo, ou d'un point de vue de politique interne, avec un article d'Ales Chmelar sur la bourse européenne du carbone,  un article en anglais de Mathilde Bonneau sur la durabilité dans les nouvelles technologies de l'information et un article de Méryl Cruz Mermy sur le verdissement de la PAC. Pour compléter ce point de vue sur l'agriculture, Maria Belen Zambrano présente une nouvelle solution pour assurer une exploitation des ressources agricoles plus respectueuse de l'environnement, l’agroécologie. Enfin Gizem Ozturk Erdem nous propose une comparaison France/Turquie sur le rôle des ONGs dans la lutte contre les pesticides.

En ce début d'année 2013, il est encore temps d'espérer que les Etats membres ont pris - et tiendront - de bonnes résolutions environnementales, et leurs engagements pour une Europe plus forte et plus unie, y compris sur la scène internationale.

 

Ce mois-ci dans le dossier

Sur la version anglaise de Nouvelle Europe

 

Source photo: flickr