L'Europe des femmes

Par Capucine Goyet | 10 juin 2014

  

Dès 1979, Gisèle Halimi lançait l’idée d’une clause de l’Européenne la plus favorisée dans le cadre de l’association et revue Choisir la cause des femmes. Elle partait alors du principe que les institutions européennes pouvaient avoir un effet levier positif en choisissant comme normes les législations des Etats membres les plus progressistes et les plus justes pour la femme (benchmarking par le haut). Ce projet, qui a pour objectif d’améliorer la condition socio-professionnelle et sociétale de la citoyenne, a été repris en 2006 par la susdite association (dont Gisèle Halimi est présidente) et s’attaque à cinq grands thèmes : droit de la famille, travail, politique, choix de donner la vie et violences.  Nouvelle Europe reviendra sur certains de ces grands thèmes.

Tout d’abord, la question du travail des femmes est celle de la place et des responsabilités qui leur sont accordées. Les institutions européennes insistent sporadiquement sur le grand principe d’égalité des sexes. En France, par exemple, le programme opératoire du Fonds social européen (FSE) pour la période 2007-2013 comprenait une mesure spécifique à « l’amélioration et au développement de l’accès et de la participation durable des femmes au marché du travail ». Mais comment le FSE peut-il concrètement mettre en œuvre une telle politique et comment peut-il en mesurer les progrès : via le Gender Budgeting ? En s’appuyant sur des organismes parapublics ?

Les politiques publiques doivent aussi réfléchir au moyen le plus efficace d’atteindre le principe d’égalité hommes-femmes. Certains Etats membres privilégient ainsi la hard law (France, Pays-Bas, Italie, Danemark), alors que d’autres préfèrent recourir à de la soft law (Royaume-Uni). La méthode des quotas permettrait-elle de mieux briser le plafond de verre que de simples mécanismes volontaires (prix pour récompenser les bonnes pratiques, programmes de formation pour développer le talent féminin…) ? Cette année, Jane Campion présidait le festival de Cannes. Dans un entretien accordé au Monde Magazine (édition du 14 mai 2014), elle revenait sur la place des femmes dans le cinéma et regrettait que le financement du cinéma ne fasse pas davantage confiance aux femmes. Elle faisait même la proposition suivante : « Je voudrais qu'au moins une année, le jury soit composé exclusivement de femmes. Ce n'est pas compliqué, il y en a beaucoup. Pensent-elles différemment ? Cela permettrait de remettre en cause les idées reçues. Cela permettrait peut-être aux hommes de comprendre que les femmes sont discriminées quotidiennement. Et de rétablir un équilibre. Pourquoi pas l'an prochain ? » Une proposition qui va encore plus loin que celle des quotas.

D’autre part, il convient de réfléchir au rôle joué par les femmes dans leur propre destinée européenne. En effet, l’Europe n’est pas seulement celle construite par les Pères fondateurs, ou encore celle pensée par un Victor Hugo ou un Richard Coudenhove-Kalergi. C’est aussi celle faite et forgée par les femmes. Le dossier reviendra alors sur certaines figures féminines de la construction européenne, de Louise Weiss à Simone Veil.

Enfin, le dossier reviendra sur la question de l’avortement, qui illustre parfaitement le fait que les droits des femmes ne sont jamais réellement acquis : « Il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question (Simone de Beauvoir) »…

Dans le dossier du mois :

Sur la version anglaise de Nouvelle Europe :

Crédits photos : © Alexandre Piroli pour Nouvelle Europe