Faire le point sur l'élargissement

Par Claudia Louati | 6 juin 2012

  

En mars 2012, Christian Lequesne publiait un article intitulé "cet élargissement dont on ne parle plus". La crise économique, en remettant en cause les fondements politiques et économiques du projet européen, semble en effet avoir évacué - ou du moins durablement transformé - le débat sur les frontières de l'Europe et l'adhésion de nouveaux États. Pourtant, le 1er juillet 2013, l'Union accueillera son 28e État membre, preuve que le processus d'élargissement est toujours en marche. À bientôt un an de l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne, où en est-on ?

 

On peut évidemment commencer par faire la liste des États frappant à la porte européenne : les pays candidats à l’adhésion sont l’Islande, l’Ancienne République yougoslave de Macédoine, le Montenegro, la Serbie et la Turquie. Les candidats « potentiels » sont l’Albanie, la Bosnie Herzégovine et le Kosovo. Le cercle s’élargit également aux « voisins », tels que l’Ukraine, dont l’adhésion n’est pas à l’ordre du jour mais dont la présence dans l’orbite européenne pose la question de l’évolution future de ses relations avec l’UE.

Pour tous ces États, le processus d’intégration est semé d’embuches. Il y a des obstacles institutionnels bien sûr, du fait de la faiblesse des structures étatiques et de la subsistance de conflits ethniques et religieux. Il y a également des obstacles « culturels » et psychologiques, en témoigne l’insoluble débat sur l’entrée de la Turquie dans l’UE. Il y a enfin des obstacles économiques du fait de l’accroissement des disparités de développement entre États membres qui accompagnera inévitablement les prochaines vagues d’élargissement.

La perspective de devoir soutenir financièrement de nouveaux membres est perçue à travers le prisme des difficultés économiques actuelles. La crise a remis en question le processus d’élargissement, même si les États entrés en 2004 et 2007 en souffrent inégalement. Si la Hongrie est au bord du gouffre, la Pologne a quant à elle réussi à maintenir des prévisions de croissance très optimistes et bien meilleures que dans la « vieille Europe », de 2,5% en 2012. Les États baltes font également figure d'exemples par les politiques d'austérité qu'ils ont su mettre en place pour surmonter le choc économique et financier.  Mais d’autres élargissements sont en jeu : celui de la zone euro, empêtrée dans la crise grecque et symbole de l’apparente « légèreté » des autorités européennes dans l’évaluation du respect des critères de Maastricht. Celui de l’espace Schengen également, retardé par l’insuffisance des réformes en matière de corruption en Bulgarie et Roumanie. Là encore, c’est « l’impréparation » de ces États lors de leur entrée dans l’UE qui est pointée du doigt. Les années 2000 sont finies : la vague d’enthousiasme causée par la « réunification de l’Europe » en 2004 est retombée, on ne parle aujourd’hui que de désintégration et de remise en cause des grandes réalisations européennes, comme l’euro et l’espace de libre circulation.

Alors quelles perspectives pour l’élargissement de l’Union ? Est-il encore désiré et voulu par les opinions publiques européennes, ou doit-on, comme certains le suggèrent, presser le bouton d’arrêt d’urgence ? La crise ne doit pas nous faire oublier les idéaux qui soutiennent la construction européenne. La perspective de l’élargissement a été un moteur extraordinaire pour la démocratisation de jeunes États tout juste sortis du totalitarisme et la croissance économique du continent. Malgré la récession, l’Europe apparaît toujours attractive, comme le montrent les résultats du referendum d’accession en Croatie de janvier dernier. Trouver une solution à la crise implique aussi de réfléchir à la poursuite du projet européen et à un moyen de concilier élargissement et approfondissement. Parce que ces deux notions ne doivent pas devenir incompatibles.

 

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