Bruxelles se reconstitue

Par Claudia Louati | 15 octobre 2014

  

A quelques semaines de la date officielle d’entrée en fonction de la nouvelle Commission européenne, la rédaction de Bruxelles se devait de marquer l’entrée dans l’ère Juncker par un dossier consacré aux changements qui bouleversent le paysage politique et institutionnel européen.

Changements structurels tout d’abord, dans le fonctionnement et la hiérarchisation de la nouvelle Commission en particulier. Celle-ci doit devenir plus politique comme le montre Vanessa Chesnot dans son article et le nouveau cap défini par Juncker a pour but de réconcilier les Européens avec une institution considérée généralement comme pesante, distante et technocratique. En pratique, de nombreuses questions se posent quant aux possibles rivalités entre grands et petits Etats, à la coordination générale du système, et à l’attribution des portefeuilles. Tanguy Séné nous décrit notamment l’exemple du Commissaire Britannique Jonathan Hill, chargé de la régulation financière, accusé par certains observateurs de conflit d’intérêt du fait de ses liens avec la City. L’adéquation des préoccupations nationales avec le portefeuille apparaît comme un pari devant servir l’indépendance des Commissaires, selon Franz Fischler interviewé par Annamária Tóth. Les prochains mois monteront si l’efficacité et la cohérence de la Commission en sortent effectivement renforcées.

Changements politiques également, notamment dans la composition du Parlement européen, marquée par la montée des Eurosceptiques et l’esquisse d’un fonctionnement en grande coalition. Comme le montre Peter Berry dans son article, l’euroscepticisme ne pose pas seulement un problème numérique. Il est généré par la rupture de plus en plus visible entre l’Europe et son peuple qui, bien que connue et reconnue, devient de plus en plus problématique dans un contexte de crise et de repli identitaire. Comme le dit Jan Zielonka dans un entretien conduit également par Annamária Tóth, la crise se caractérise par un affaiblissement de l’UE, la perte de confiance des citoyens et une incapacité chronique à s’auto-réformer. Dans ce contexte, le Conseil ne doit pas être dispensé de contribuer à la réflexion. Les Etats membres ont une large part de responsabilité dans l’incapacité de l’Union à répondre aux grands problèmes du moment et à remporter l’adhésion citoyenne. Seule une réflexion approfondie sur les compétences de l’Union et une refonte de la politique de communication des Etats centrée sur les succès plutôt que sur les maladresses de Bruxelles peuvent venir à bout, à long terme, du déficit de légitimité de l’Union.

Changements d’orientation enfin, avec la définition de nouvelles priorités pour l’avenir, qui se doivent d’être porteuses de croissance et d’emploi. En ce sens, l’accent mis sur l'agenda digital, abordé dans ce dossier par Claire Dilé, est porteur d’espoir. Le défi économique est bien sûr celui que la Commission Juncker devra impérativement relever : relancer l’emploi et combler les inégalités seront sans aucun doute les deux principaux objectifs à l’aune desquels l’action des institutions sera jugée.

Dans ce dossier

Sur la version anglaise de Nouvelle Europe

Source photo: flickr