Depuis plusieurs années, le tourisme vert est en plein essor en Europe. Quels en sont les impacts et pourquoi un tel développement ? Caroline Forge, journaliste spécialisée dans les questions d’environnement et de développement durable, répond à toutes nos questions sur l’origine d’un tel mouvement et sur les défis que doit relever ce secteur économique.
Vous consacrez de nombreuses chroniques au tourisme vert, ou du moins aux domaines qui lui sont liés par un effet de « spill-over ». Comment définiriez-vous le tourisme vert ?
Le tourisme vert est une économie globale.
D’une part, il se construit comme une globalisation de tous les secteurs de l’économie : la nourriture, le textile, les produits ménagers, les transports, etc. Tous ces secteurs peuvent être impactés à condition qu’ils s’adaptent au green business. C’est la question du libre arbitre du responsable. Par exemple, un vendeur d’hommos bio, qui souhaite développer une politique verte maximale, sera obligé de chercher des boîtes biodégradables en petite quantité. De plus, si un hôtel souhaite réduire son bilan carbone, il peut choisir d’investir dans des énergies renouvelables propres, comme le solaire thermique, les petites éoliennes, les panneaux photovoltaïques etc.
D’autre part, le tourisme vert est développé par tous les types d’entreprise, depuis les PME jusqu’aux grandes entreprises. Des grandes chaînes, comme Sofitel ou Accor, mettent en place des politiques de développement durable, qui passent par le tri sélectif et recyclage des déchets etc. Pour ces hôtels, le créneau vert est un argument commercial. Il s’agit alors de s’adapter aux clients potentiels qui choisissent leurs hôtels en fonction des critères proposés.
Quelles typologies du tourisme vert ?
Le tourisme vert s’est développé dans plusieurs directions : les campings verts, les chambres d’hôtes, les hôtels aux principes écologiques. Deux types de destinations sont aujourd’hui prisés : les maisons dans les arbres et les fermes. Dans le cas des maisons dans les arbres, on a affaire à des prestations organisées uniquement en fonction de l’environnement (petit déjeuner bio, énergie solaire, toilettes sèches, compost…). En raison de sa forme originale et décalée, c’est actuellement l’activité touristique verte qui a le plus de succès. Quant aux fermes, il s’agit de payer ses vacances en participant à ses différentes activités. Pour l’exploitant, qui n’a pas toujours les moyens d’employer des manu-ouvriers, cela revient moins cher. Cette méthode permet alors aux touristes de découvrir les produits locaux. On parle de « troc ».
Les catégories de touristes sont variées, depuis les bobos parisiens aux passionnés d’aventures vertes. Il faut néanmoins préciser que la crise économique est un facteur explicatif important du développement du tourisme vert. Pour une famille, le coût que représentent une location, la nourriture et les activités peut être très élevé en période estivale. De là est née la volonté de repenser les vacances. Les familles et couples qui ne pouvaient plus partir pour des raisons financières, se sont dits qu’ils allaient partir en vacances, mais autrement.
Il était une fois le tourisme vert ? Dans quel contexte ces expériences de vacances autres se sont-elles développées ?
Il faut d’abord faire une différenciation entre les personnes qui ont toujours eu une sensibilité pour l’environnement et l’écologie, et qui utilisent donc ce critère de « verditude » au quotidien ou dans le cadre des vacances, et les hôtels et campings qui se positionnent autour du créneau vert. Ces derniers mettent alors en place des toilettes sèches, des économiseurs d’eau et d’énergie etc. Derrière tous ces détails techniques se cache une véritable pédagogie : faire en sorte que les clients prennent conscience du problème de la surconsommation. Tel est le cas du Solar Hôtel à Paris, dans lequel Daniel Cohn-Bendit a pour habitude de descendre. L’hôtel est entièrement conçu selon des principes écologiques. Non seulement il est pourvu de panneaux solaires photovoltaïques qui servent à alimenter les éclairages extérieurs, mais il dispose aussi du tri sélectif des déchets à chaque palier, un tri laissé à l’usage des clients.
Peut-on dégager une cartographie européenne du tourisme vert ?
Les pays nordiques et l’Allemagne sont toujours en avance en matière énergétique et écologique. Il est important de noter que jusqu’à une période récente, la France était obligée d’importer des produits certifiés bio, provenant souvent de ces pays-là. Quant aux Pays-Bas, ils pratiquent la culture intensive qui nuit au développement de la bio-industrie. L’Espagne n’est pas non plus considérée comme un modèle dans ces questions. La cartographie européenne du tourisme vert devient également régionale. Par exemple, la Bretagne lancera le 1er juin le premier site régional de tourisme responsable. Ce site rassemblera tous les éléments pour un séjour responsable : paysages préservés, sites culturels classés, voies cyclables aménagées, hébergements éco-conçus, tables bio…
L’autre question européenne soulevée par le tourisme vert est celle des subventions, qui permettent à un exploitant de passer d’une production non biologique bourrée aux pesticides à une production biologique.
L’Union européenne délivre de nombreuses normes et certifications. Qu’en est-il pour le tourisme vert ?
Aujourd’hui plusieurs normes et labels existent en fonction du degré écologique que l’on souhaite donner à son établissement. Par exemple, la norme ISO 14001 définit le « management environnemental » (dématérialisation, partenaires écologiques…), alors que la norme ISO 9001 se concentre sur le respect de la santé des salariés. Ces deux normes sont attribuées sur une base contraignante. Prenons un problème central rencontré par les hôtels : le pressing. Non seulement les lessives doivent être non allergènes, mais il s’agit aussi d’utiliser des pressings écologiques. Ainsi, l’ancienne technique du percloroétilène, une substance de nature cancérigène, est remplacée par des techniques propres respectueuses de l’environnement et du salarié. Enfin, la norme récente ISO 26000 traite de la responsabilité sociale des entreprises. Mais celle-ci est non contraignante. Autrement dit, on ne peut refuser l’obtention de cette norme à une entreprise, dans la mesure où seule l’évolution dans l’accomplissement de la norme importe. Il peut donc manquer trois critères compliqués que l’entreprise respectera graduellement. En raison du coût élevé de ces normes, certaines hôtelleries choisissent de les employer sans être pour autant certifiées.
Des atouts et des inconvénients du tourisme vert ?
Comme atout évident, on peut d’emblée penser à l’impact environnemental global. Bien qu’il ne soit pas nécessairement spartiate, le tourisme vert demande une certaine adaptation vers le moins. Un phénomène d’acculturation se met alors en place : les gens s’adaptent et acquièrent de nouvelles habitudes qu’ils peuvent ensuite reproduire chez eux. Parfois un effet domino apparaît : certaines personnes, lassées de leurs factures d’EDF-GDF, ont décidé d’investir dans des installations d’énergies renouvelables, bien que cela entraîne quelques réadaptations. Plus simplement, on peut reprendre les bonnes pratiques des hôtels et lieux de tourisme vert, comme l’utilisation de stores en lin, une matière moins polluante aux vertus reconnues. Ainsi, cela devient un tout : une démarche ponctuelle de vacances passées au sommet des arbres peut conduire à un plus gros investissement structurel et personnel.
Sur le plan socio-économique, un impact positif peut être dégagé. Par exemple, Ecocup, la marque de gobelets réutilisables (généralement présente dans les festivals de musique) utilisent les ateliers Envie et Emmaüs, qui emploient des gens en difficulté, qu’il s’agisse de chômeurs ou d’handicapés. D’autre part, le tourisme vert peut jouer le rôle d’une véritable politique structurelle de revalorisation régionale, dans la mesure où le seul moyen d’amener des personnes dans des régions du monde particulièrement isolées et reculées, c’est le tourisme écologique. Par exemple, le label Rainforest-Alliance, qui vise le « tourisme durable », a permis de dynamiser certaines régions accréditées. De la même manière, le label PEFC de forêts éco-gérées a non seulement encouragé la reforestation, mais il a aussi permis de faire vivre les agriculteurs locaux.
Le seul inconvénient est d’ordre financier. Le retour sur investissement peut parfois être plus long. Investir dans le green business, c’est investir à moyen ou long terme. C’est pourquoi l’ISR (Investissement Socialement Responsable) joue un rôle considérable.
Pour conclure, quelques mots sur la genèse de l’émission « 3 minutes pour la planète » ?
La chronique est née en octobre 2008. À l’époque, des chroniques pratiques existaient déjà sur Radio France, et délivraient des conseils et astuces (comment mieux recycler etc.). La démarche de Radio Classique était différente : c’était la question du « business ». Le but de la chronique était d’apporter des solutions alternatives aux particuliers ou aux entreprises qui en cherchaient. Par exemple, un particulier qui souhaite débroussailler sa maison dans le sud de la France, peut soit employer une entreprise qui va le faire à un coût élevé, soit employer un éleveur ou fermier qui va lui prêter son âne pendant une semaine. S’il a peu de moyens, il choisira la solution alternative. La chronique a gardé cet objectif de proposer des solutions écologiques, parfois moins chères. De ce point de vue-là, on était précurseur.
Europe 1 est également arrivé sur le marché avec l’émission « La question environnement » présentée par Brigitte Béjean. Le principe de « 3 minutes pour la planète » est qu’il n’y a pas nécessairement d’actualités, sauf si celles-ci sont intéressantes. De fait, je me concentre d’abord sur les entreprises avant de me concentrer sur les politiques. D’ailleurs, de nombreuses entreprises vertes me contactent pour me présenter leurs projets et produits. Des découvertes vertes sont donc toujours au programme…
Pour aller plus loin
Sur Nouvelle Europe
- Dossier de juin 2011 : Voyager en Europe : le tourisme dans tous ses états
- La directive Bolkestein, ou le casse-tête de la libéralisation des services
- Les coûts du duo Lisbonne-Göteborg
- Les Capitales vertes de l'Europe : un prix de communication durable ?
- Quelle politique européenne du paysage ?
- L'investissement socialement responsable existe-t-il dans la Nouvelle Europe ?
Sur Internet
- Site de Rainforest Alliance
- La norme ISO 14001
- Label PEFC
Source photo : Site de Radio classique