Janvier 2012. Deux « nouveaux Européens » : Jean-Baptiste, Alexandra. Le premier part pour un semestre d'échange Erasmus, la seconde pour six mois de stage. Destination : la Bulgarie. Six mois plus tard, ils souhaitent partager leurs impressions, leur enthousiasme, leurs sentiments, bref leur découverte de ce pays si riche mais encore trop souvent méconnu. Retrouvez le récit de leur « escale bulgare » en plusieurs volets.
Premier épisode par Alexandra Yaghil : Sofia (1/2)
« La découverte est un plaisir aussi subtil et intéressant que la connaissance » (Jacques Lamarche)
En ce début du mois de janvier 2012, je m'envole direction Sofia pour y travailler durant six mois. Que sais-je alors de la Bulgarie ? Passés le yaourt, le parapluie et la date de son adhésion à l'Union européenne, pas grand-chose ! Première découverte de Serdika ou Triaditsa ou Sredets : Sofia !
« Grandit mais ne vieillit pas », telle est la devise de la capitale bulgare. Il est vrai que, même si son centre historique reste très concentré, la taille de la capitale a doublé durant les années 1990. La municipalité représente à elle seule l’une des vingt-huit oblasti (régions) de Bulgarie et inclue trente-cinq villages et trois petites villes. Découpée en vingt-quatre districts, Sofia est le premier centre de population et, surtout, le coeur économique et culturel du pays.
Sofia, mon port d’attache
Sofia ne s'offre pas facilement ; la capitale bulgare est une ville de caractère, au charme incontestable où il fait bon vivre. Et, si elle n'est pas ce que l’on appelle une « belle ville », la beauté, elle, n'y manque pas...
Voici une ballade dans Sofia tout à fait personnelle qui, sûrement, mériterait plus de détours.
Mes premiers pas à Sofia, je les fis sous la neige. Une neige qui ne cessa de s’accumuler sur les trottoirs, durant l’hiver le plus froid qu’ait connu la Bulgarie en trente ans! Le manteau de poudreuse qui recouvrait tout, jusqu'à la moindre brindille, donnait un caractère énigmatique aux nombreuses et souvent imposantes statues de la ville, aux places et jardins publics, au théâtre national, à l’université Saint- Clément et, bien sûr, à l’imposante cathédrale Alexander Nevski.
C'est donc dans un froid glacial que m'est apparue pour la première fois, tel un mirage, cette mystérieuse cathédrale qui semble comme posée là, au milieu d’un carrefour. Six mois après, passer devant elle, la contourner, m’impressionne toujours. Comme toutes les églises orthodoxes, son intérieur est sombre, feutré et pourtant chaleureux. J'ai progressivement découvert et apprécié le caractère de chacune de ces églises où quelques prieurs debout murmurent au-dessus d’une icône avant de l'embrasser, un cierge long et fin allumé à la main.
La cathédrale Alexander Nevski sous la neige
Celle qui restera ma favorite est l’église Saint-Nicolas que l'on rejoint depuis la cathédrale Nevski par un petit jardin où, toujours, dans toute circonstance climatique, de longs étales d’icônes semblent attendre désespérément un acheteur. Avec son architecture Art Nouveau, ses petits bulbes tels d'élégantes flammes et les senteurs de myrrhe qui souvent s'en échappent, cette petite église russe continue de m’enchanter.
Quelques étales d’icônes
Dès le début des beaux jours, j’ai aimé, à l’image des jeunes Sofiotes, me promener, le soir, sur la place, toujours animée, du théâtre national Ivan Vazov. Cette jolie bâtisse aux couleurs pastel rose et blanc domine également un jardin public où il fait bon flâner le dimanche entre les petits groupes de jazz, les apprentis jongleurs et les joueurs d’échec.
Le théâtre national Ivan Vazov
Si je trouve à Sofia ce caractère si particulier c'est aussi parce qu'elle est l'une de ces rares capitales érigées au pied d'une montagne. Partout où l'on se trouve dans la ville, le mont Vitocha n'est jamais loin. Cet imposant massif dont le sommet, le cerni vrah (« pic noir »), atteint les 2290 mètres d'altitude, opère comme une attraction. Les week-ends d'hiver, l'endroit attire nombre de Sofiotes amateurs de ski ; en été, ils s'y rendent nombreux pour de simples ballades ou des randonnées sportives. Cette année toutefois, il ne me fut pas possible d'y skier, les remontées mécaniques y étant bloquées par leur propriétaire en signe de protestation. En effet, ce dernier souhaitant étendre le domaine a dû faire face à des manifestations d’écologistes en faveur desquels le gouvernement s’était prononcé. Cela ne m’a pas empêchée d’y apprécier les ballades pédestres et la visite du joli petit monastère de Dragalevtsi.
Sofia n’offre pas de réel plan d'urbanisme. Il y a le laid d’un côté de la rue : une barre d’appartement, un bloc de béton gris à la mode soviétique et de l’autre, de jolies petites maisons à colonnes ou aux vérandas style Art Nouveau. Et puis, il y a les jardins publics et les parcs, nombreux dans la capitale… Depuis le toit de l'université Saint Clément d’Ohrid, où les jeunes Sofiotes avertis se rendent pour y boire une bière, j’aime aller observer ces nombreux îlots de verdure qui contrastent avec les façades d'immeubles qui, peu entretenues, paraissent dégradées, aux couleurs pâlies voire jaunies et aux fils électriques visibles et pendouillant.
Ce qui me frappa immédiatement, en foulant pour la première fois les trottoirs sofiotes, fut leur piteux état. Peu entretenus, ils sont probablement les moins stables que j’ai connus et réservent quelques surprises par temps de pluie. Toutefois, quelques semaines suffisent pour apprivoiser les pavés à éviter sur son trajet quotidien et apprendre à simplement lever les pieds!
Pour le meilleur et pour le pire : une ville de contrastes !
Sofia est à l'image de toutes les capitales: une ville de contrastes. Mais, peut-être parce que l'on est en Bulgarie, ils y semblent plus marqués qu’ailleurs.
Sofia, c’est cette ville où dans la même rue se croisent quotidiennement une impressionnante voiture blindée et une carriole conduite par un cheval dont les occupants descendent régulièrement pour fouiller les poubelles.
C'est cette ville où d'un côté du trottoir des « moutry » sirotent un cocktail en terrasse (ce terme bulgare qui signifie littéralement « gueule » désigne les hommes aux activités douteuses); quand de l'autre, une petite dame âgée en haillons vend des bouquets de fleurs des champs.
Mais Sofia, c’est aussi cette ville où, dans un espace de quelques mètres carrés, cohabitent une église orthodoxe, une église catholique, une mosquée et une synagogue. Appelé le « carré de la tolérance », ce quartier de la capitale respire une atmosphère toute particulière et cristallise ce qu’est la Bulgarie : un carrefour de civilisation, entre Orient et Occident, un mélange d’influences slaves, grecques, turques, manouches, arabes.
Dans ce « carré de la tolérance », la synagogue et la mosquée se font face. Les formes rondes et généreuses de la synagogue surprennent et je fus d’autant plus enchantée lorsque je pénétrais à l'intérieur pour la première fois, saisie par ses couleurs chatoyantes et, surtout, ce bleu qui domine et trouble presque par sa perfection. Je traverse le marché couvert et me retrouve sur cette place où, toujours, l'on aperçoit des groupes de Sofiotes venus remplir leurs grandes bouteilles avec l'eau provenant des fontaines. Au milieu, la petite mais non moins charmante et célèbre mosquée de Sofia, construite par le célèbre architecte ottoman Hadji Mimar Sinan, auteur, entre autres, de la mosquée Süleïmaniyè d'Istanbul.
(à suivre ...)
Sources photos: © Alexandra Yaghil pour Nouvelle Europe
Image panoramique: © Capucine Goyet pour Nouvelle Europe