Aux origines du processus de Bologne : la déclaration de la Sorbonne

Par Sara Pini | 27 août 2007

Pour citer cet article : Sara Pini, “Aux origines du processus de Bologne : la déclaration de la Sorbonne”, Nouvelle Europe [en ligne], Lundi 27 août 2007, http://www.nouvelle-europe.eu/node/255, consulté le 03 juin 2023

articlesorbonne-statuesLe processus de Bologne prend son nom de la ville italienne dans laquelle a été signée la déclaration commune des Ministres européens de l’éducation, le 19 juin 1999, sur la convergence des systèmes d’enseignement supérieur, en vue de la réalisation d’une « Europe de la connaissance ». Mais en réalité ce processus trouve son origine un an plus tôt, dans la déclaration signée à Paris à l’occasion des célébrations pour l’anniversaire de la Sorbonne.

articlesorbonne-statuesLe processus de Bologne prend son nom de la ville italienne dans laquelle a été signée la déclaration commune des Ministres européens de l’éducation, le 19 juin 1999, sur la convergence des systèmes d’enseignement supérieur, en vue de la réalisation d’une « Europe de la connaissance ». Mais en réalité ce processus trouve son origine un an plus tôt, dans la déclaration signée à Paris à l’occasion des célébrations pour l’anniversaire de la Sorbonne.

Le choix de ces deux villes ne relève pas du hasard : non seulement elles représentent la longue tradition universitaire européenne, étant le siège des deux Universités les plus anciennes d’Europe, maiselles se trouvent également dans les deux pays qui ont été à l’origine du processus.

Bien que la déclaration de la Sorbonne ait été signée aussi par les ministres allemand et anglais, rejoints par leurs collègues de 25 autres pays l’année suivante, le processus n’aurait en effet probablement pas abouti sans l’impulsion initiale et la coopération fructueuse d’un duo de ministres à la personnalité forte et aux grandes ambitions : le Français Claude Allègre et l’Italien Luigi Berlinguer.

C’est en effet le Ministre de l’Education nationale français qui, en mai 1998, invite à Paris ses homologues italien, allemand et anglais, afin de célébrer les 800 ans de l’Université de la Sorbonne et, par la même occasion, de lancer une initiative politique et intergouvernementale en vue de la création d’une « Europe de la connaissance ».

Le texte de la déclaration est rédigé essentiellement par le cabinet du Ministre Allègre. A la rédaction finale contribuent aussi les conseillers désignés par les trois autres Ministres, mais les négociations sont caractérisées par un dégrée de consensus assez inhabituel pour ce genre d’occasion : les seules remarques faites au texte français viennent du conseiller diplomatique de Berlinguer, Michelangelo Pipan, qui obtient que l’on mette davantage en exergue la finalité politique de la déclaration. Les Anglais montrent aussi quelques réticences à l’égard du vocabulaire utilisé, en particulier pour le terme « harmonisation », qui revêt Outre-Manche une connotation négative, lorsqu’il est utilisé dans un contexte européen, mais ils doivent se résigner à l’introduction de ce mot dans la déclaration finale.

Tessa Blackstone, Ministre britannique de l’Enseignement supérieur, joue d’ailleurs un rôle marginal dans la préparation de la conférence, d’un côté parce qu’elle n’a que peu de contacts avec les trois autres Ministres, étant la seule à ne pas combiner la responsabilité de l’éducation supérieure et de la recherche et ayant donc moins d’occasion de rencontrer ses homologues ; de l’autre parce que le Royaume-Uni adopte une position attentiste, en regardant favorablement la tournure prise par les événements, notamment l’émergence d’une vision de l’enseignement supérieur inspiré du modèle anglo-saxon, mais sans ressentir le besoin de participer activement à sa construction. Cette attitude sera d’ailleurs critiquée, à un stade plus avancé du processus, par les partenaires du Royaume-Uni, qui lui reprocheront le peu d’effort faits pour réformer de leur système national, comme s’ils attendaient que la convergence se fasse autour du modèle britannique.

Mme Blackstone accepte donc de signer une déclaration intitulée « Harmoniser l’architecture du système européen d’enseignement supérieur », bien que le terme finira par être effacé dans le texte élaboré à Bologne l’année suivante.

Le document final de la conférence parisienne affiche tout d’abord la volonté de bâtir une « Europe du savoir », au-delà de celle « de l’euro, des banques et de l’économie ». En partant du double constat que la libre circulation des étudiants et des professeurs, qui assurait jadis la diffusion des idées et du savoir à travers le continent européen, connaît désormais des entraves et que la plupart des systèmes éducatifs n’ont pas su faire face aux changements intervenus dans le marché du travail et dans la société, les quatre Ministres envisagent la construction d’un « espace européen ouvert de l’enseignement supérieur ».

Le but n’est pas, comme les rédacteurs ne manquent pas de souligner, de gommer les différences entre les systèmes nationaux, mais de les rendre plus souples et lisibles, dans le but d’améliorer la reconnaissance des diplômes, donc d’accroitre la mobilité, tout en développant l’attractivité internationale des systèmes européens.

A cette fin, la déclaration identifie plusieurs outils : un système en deux cycles (dénommés pré-licence et post-licence), la semestrialisation et l’utilisation de crédits, avec une référence au schéma ECTS, la formation tout au long de la vie, la diversification des curricula, avec un accent mis sur l’apprentissage des langues et des nouvelles technologies de l’information.

Tout en faisant référence aux acquis de la construction européenne dans le domaine de l’éducation, notamment la Convention de Lisbonne sur la reconnaissance des qualifications universitaires et les directives européennes de reconnaissance des diplômes à des fins professionnelles, les quatre pays expriment la volonté d’aller plus loin dans la coopération, notamment à travers des accords interuniversitaires, des diplômes conjoints et des projets-pilotes, et lancent un appel aux autres Etats européens, membres ou non de l’Union Européenne, pour les rejoindre dans cette mission.

A l’époque, même les acteurs les plus directement impliqués dans la réalisation de la conférence de la Sorbonne sont loin de se douter des conséquences que cet acte aura, à la fois sur le plan de l’intégration européenne et des réformes des systèmes d’enseignement supérieur nationaux, d’autant plus qu’il s’agit d’un événement préparé en quelques mois seulement et par un cercle restreint de collaborateurs proches des Ministres. Même Claude Allègre, au moment de convoquer le « Colloque de l’Université Européenne », nom initialement donné à la conférence de la Sorbonne, n’avait pas encore une idée claire du contenu à donner à cette rencontre : certes, le fait qu’il ait arbitrairement choisi de fêter l’anniversaire de la Sorbonne en 1998, alors qu’il n’existe pas de date officielle de la fondationde l’Université parisienne, laisse penser qu’il s’agissait pour lui d’un prétexte pour promouvoir une vision générale qu’il devait déjà avoir en tête, mais ce n’est que pendant les deux mois et demi de préparation hâtive de la conférence, entre mars et mai 1998, que les détails se précisent.

Différents éléments commencent à converger envers le système dessiné dans la déclaration du 25 mai. Allègre est notamment influencé par l’étude du rapport Attali et de la note adressé au Ministre par Adrien Schmitt, représentant de la CPU à Bruxelles, qui soutenaient l’introduction d’une structure à deux cycles, afin de résoudre le problème typiquement français du dualisme entre Universités et grandes écoles, tout en améliorant la compétitivité et l’attractivité internationale du système français. Le choix de l’option du double cycle constitue le catalyseur autour duquel se cristallisent les différents intérêts et priorités des participants : internationalisation, mobilité, attractivité, employabilité des diplômés.

La déclaration de la Sorbonne aurait toutefois pu rester une simple proclamation de principes vagues et d'intentions politiques, si le Ministre Berlinguer n’avait pas pris le relais, en faisant preuve d’un enthousiasme au moins comparable à celui d’Allègre. Les quatre Ministres s’accordent en effet pour se retrouver un an après à Bologne, afin de faire le point sur la situation et d’élargir le processus à tous les Etats européens qui l’auraient souhaité.

 

Pour en savoir plus :

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